jeudi 8 juillet 2010

CINQUIEME RAPPORT ANNUEL DE L’OBSERVATOIRE NATIONAL DE L’ENFANCE EN DANGER REMIS AU PARLEMENT ET AU GOUVERNEMEN

CINQUIEME RAPPORT ANNUEL DE L’OBSERVATOIRE NATIONAL DE L’ENFANCE EN DANGER REMIS AU PARLEMENT ET AU GOUVERNEMENT
AVRIL 2010


63 bis, bd Bessières - 75017 Paris - Tél : 01 58 14 22 50 - Fax : 01 45 41 38 01

Un travail collectif
Ce cinquième rapport remis au Parlement et au Gouvernement par l’Oned est issu d’un travail collectif coordonné par Marie-Paule Martin-Blachais, directrice générale du GIP Enfance en Danger, Anne Oui, chargée de mission et Anne-Sylvie Soudoplatoff, magistrate, chargée de mission.
Le premier chapitre a été élaboré principalement par Anne Oui, chargée de mission et Anne-Sylvie Soudoplatoff, magistrate, chargée de mission, Séverine Euillet et Pierrine Robin, chargées d’études. Le second chapitre a été élaboré par Emmanuelle Guyavarch, Milan Momic et Maud Gorza, démographes, chargés d’études.
Constance de Ayala, rédactrice, a assumé la mise en page et la réalisation du glossaire. Rehema Moridy, secrétaire de direction, a organisé les différentes rencontres et déplacements ayant permis l’élaboration de ce document.

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Sommaire
Préface de la Présidente 3
Introduction 5
Chapitre I : De la prise en compte, en protection de l’enfance, de l’enfant et de son parcours 7
1. Les protocoles 8
2. Continuité du parcours et projet pour l’enfant 39
3. Accompagner les jeunes en fin de mesure de protection 53
Chapitre II : Connaissance chiffrée de l’enfance en danger 62
1. Estimation des prises en charge au 31 décembre 2007 62
2. La transmission des données individuelles anonymisées 77
Bibliographie 91
Glossaire 93
Annexes 95
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Préface de la Présidente
Au cours de l’année 2009, le Groupement d’Intérêt Public Enfance en Danger a fait l’objet de plusieurs changements institutionnels : Présidence, Direction générale et vacance partielle du poste de Directeur de l’ONED durant 4 mois. Cependant, les programmes et travaux ont été poursuivis et finalisés, comme en témoigne la production de ce cinquième rapport de l’ONED, et je tiens à remercier les personnels pour le travail accompli.
Ce rapport au Gouvernement et au Parlement, tel que prévu au titre de l’article L226-6 du CASF, se veut à la fois contribuer au suivi de la mise en oeuvre de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la Protection de l’Enfance, et rendre compte de la dynamique initiée auprès de l’ensemble des acteurs dans ce cadre. Il est le premier rapport après l’effectivité de la première année pleine d’exercice.
Ainsi la première partie de ce rapport confirme la consolidation organisationnelle du dispositif existant : mise en place des cellules de recueil d’information préoccupante dans presque tous les départements, signature finalisée ou en instance de protocoles partenariaux dans plus de ¾ des départements et montée en charge progressive des Observatoires Départementaux de la Protection de l’Enfance.
De même une approche qualitative est introduite au travers des réflexions conduites autour de la continuité des parcours et du Projet pour l’Enfant (PPE).
Enfin l’accompagnement des jeunes à la sortie du dispositif de la protection de l’enfance interroge l’efficience de ce dispositif au regard des besoins de la population prise en charge mais aussi du nécessaire dialogue culturel à construire entre le champ de la protection de l’enfance et celui de l’insertion sociale et professionnelle.
Dans son deuxième chapitre consacré à l’amélioration de la connaissance chiffrée de l’enfance en danger, on note une stabilité (-0,5%) des mineurs bénéficiant au moins d’une mesure de prise en charge (265 061), et une légère augmentation (+1%) des données s’agissant des jeunes majeurs (21 565), mais avec une grande variabilité départementale. Par ailleurs, la judiciarisation des mesures reste importante du côté des mineurs protégés, alors qu’au contraire, on note une forte déjudiciarisation du côté des majeurs.
Au regard de la mission de l’ONED en matière de recueil et d’analyse des données relatives à la protection de l’enfance, et faisant suite au décret initial n°2008-1422 du 19 décembre 2008 organisant la transmission d’informations sous forme anonyme aux Observatoires Départementaux de la Protection de l’Enfance et à l’ONED, la CNIL a fait connaître au Groupement d’Intérêt Public Enfance en Danger ses observations par courrier en date du 29 décembre 2009. Il en ressort deux recommandations qui seront plus particulièrement prises en compte par l’ONED :
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- d’une part, que la liste exhaustive des variables d’observation soit publiée sous forme réglementaire, après un nouveau travail de formulation et de concertation, notamment par le recueil de l’avis du Conseil supérieur en travail social, portant en particulier sur les données concernant le contexte socio-économique de vie de l’enfant et les problématiques familiales observées ;
- d’autre part, que l’ONED produise un guide de préconisations destiné aux départements concernant le respect des formalités préalables auprès de la CNIL, les obligations de sécurité et confidentialité dans le recueil des données et enfin les garanties d’anonymisation.
Dans l’attente de la finalisation de ces travaux en cours, permettant d’espérer l’initialisation du processus de remontée des données à compter de 2011, un état des lieux des collectes des données actuelles à l’échelon européen et international en statistiques publiques sur le champ de la protection de l’enfance, ainsi que les recommandations y afférant, sont présentés en deuxième partie de ce chapitre, permettant ainsi d’inscrire la connaissance de la protection de l’enfance en danger dans un contexte plus global des politiques publiques familiales tant sur un plan national que dans le réseau européen et international.
Enfin, la loi de 2007 positionne fortement le Conseil général en tant que chef de file et demande aux départements une attention particulière à l’évolution des pratiques professionnelles, mais également à celle de leurs organisations territoriales. C’est ce à quoi l’Observatoire National de l’Enfance en Danger du GIP Enfance en Danger s’attachera à travailler dans les années qui viennent avec les départements.
Patricia ADAM
Présidente du GIPED
Députée du Finistère
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Introduction
Plusieurs sujets d’actualité en 2009 sur les pratiques en protection de l’enfance, principalement la mise en place du projet pour l’enfant et les préoccupations sur l’accompagnement à l’âge adulte des jeunes sortant du dispositif de protection de l’enfance, placent, au coeur des problématiques, l’enfant et en conséquence la question de son parcours en protection de l’enfance en lien avec ses besoins et son parcours de vie. Ils rejoignent sur ce point les études sur le devenir des enfants pris en charge, ou sur les situations de mineurs en difficultés multiples qui ont mis en lumière l’incidence des ruptures de prise en charge et amènent à penser le parcours en termes de continuité et de cohérence.
Le cadre législatif est également porteur de cette évolution. Ainsi au niveau international, la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) fait référence à la notion phare d’intérêt supérieur de l’enfant et prend en compte ses besoins. L’article 18 souligne que « la responsabilité d’élever l’enfant et d’assurer son développement incombe au premier chef aux parents ou, le cas échéant à ses représentants légaux » ; il précise que « les Etats parties accordent l’aide appropriée aux parents et aux représentants légaux de l’enfant dans l’exercice de la responsabilité qui leur incombe d’élever l’enfant et assurent la mise en place d’institutions, d’établissements et de services chargés de veiller au bien-être des enfants ».
Concernant la protection de l’enfance, l’article 20 impose aux Etats de mettre en place une « protection de remplacement » lorsque l’enfant est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou lorsque dans son intérêt il ne peut être laissé dans ce milieu. La possibilité d’un accueil permanent en dehors du milieu familial d’origine est envisagée, le troisième alinéa prévoit une variété de possibilités d’accueil, dont l’adoption. En citant en premier le placement dans une famille parmi les différentes possibilités énumérées, le texte semble privilégier cette solution. Dans le choix entre ces solutions, « il est dûment tenu compte de la nécessité d’une certaine continuité dans l’éducation de l’enfant ainsi que de son origine ethnique, religieuse, culturelle et linguistique.».1
Au niveau national, et de façon plus large, la lecture des lois sur la dernière décennie montre un mouvement général d’individualisation des politiques publiques. Ainsi, la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 réformant l’action sociale et médico-sociale, en cherchant à mettre en lien les moyens avec les besoins, en affirmant le droit des usagers, en prévoyant la possibilité de structures innovantes ou expérimentales, a initié le passage d’une logique par type d’établissement à une logique par missions en ce qui concerne les modes de prise en charge, et porte l’idée d’une individualisation des prises en charge.
1 Au niveau national, cet alinéa est à rapprocher de l’art. 1200 du Code de procédure civile qui prévoit qu’en matière d’assistance éducative « il doit être tenu compte des convictions religieuses ou philosophiques du mineur et de sa famille ».
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La loi n°2007-293 du 5 mars 2007 pose comme principe, en lien avec la CIDE précitée, que « l’intérêt de l’enfant, la prise en compte de ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toute décision le concernant » (article L112-4 du Code de l’Action Social et des Familles CASF). Elle permet, par la diversification des prestations, des modes de prise en charge souples et adaptables aux situations singulières des enfants et de leur famille. Elle invite à penser également la dynamique induite par la notion de parcours et les articulations entre les différentes institutions qui ont à connaître de la situation d’un enfant, au travers de la notion de protocole inter-institutionnel. Elle donne mission au président du conseil général d’organiser « entre les services du département et les services chargés de l’exécution de la mesure, les modalités de coordination en amont, en cours et en fin de mesure, aux fins de garantir la continuité et la cohérence des actions menées » (article L221-4 du CASF). Ainsi la notion de parcours, bien qu’elle ne soit pas utilisée par la loi, est introduite par les nécessaires coordinations entre services, qui doivent se mettre en place non seulement à un moment donné mais aussi dans le temps, par l’articulation de prestations et /ou de mesures qui vont se succéder.
Au regard de cette évolution vers une approche dynamique des prises en charge, le premier chapitre du rapport s’intéresse à trois temps clés du parcours de vie d’un enfant concerné par la protection de l’enfance, l’entrée dans une mesure d’aide, que les protocoles visent à clarifier, le déroulement de la prise en charge et le temps de la sortie, en particulier pour les jeunes arrivant à l’âge adulte.
Au-delà de l’aspect de la prise en charge, la notion de parcours renvoie également dans la loi du 5 mars 2007 à l’observation des trajectoires des enfants en protection de l’enfance. Comme l’indique le rapport public thématique de la Cour des Comptes sur la protection de l’enfance d’octobre 2009, l’étude des parcours est un moyen essentiel pour apprécier la qualité des prises en charge et la pertinence des solutions apportées aux situations. Les modifications apportées au décret organisant la transmission d’informations sous forme anonyme aux ODPE et à l’ONED, suite aux recommandations émises par la CNIL en décembre 2009, permettront de disposer de données quantitatives et qualitatives au niveau national et départemental sur ces trajectoires. Le deuxième chapitre présente l’actualisation de l’estimation, à partir des données de la DREES et de la DPJJ, du nombre de mineurs et de jeunes majeurs bénéficiant d’une mesure de prise en charge. Il présente également la réflexion menée par l’ONED sur les indicateurs les plus pertinents à fournir pour répondre à sa mission, en s’appuyant notamment sur les recommandations internationales en matière de recueil de l’information concernant l’enfance en danger.
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Chapitre I : De la prise en compte, en protection de l’enfance, de l’enfant et de son parcours
L’utilisation, dans les textes juridiques ou dans la pratique, des notions de parcours, de cohérence, de continuité et de stabilité amène à préciser trois niveaux d’analyse différents et complémentaires qui ne doivent pas être confondus :
Le niveau des institutions et des organisations: Ainsi, les termes de continuité et cohérence apparaissent surtout dans les articles du CASF concernant les établissements et services sociaux et médico-sociaux mais aussi les établissements de santé publics et privés. Ils sont souvent précédés des verbes « garantir » et « favoriser ». Il s’agit majoritairement de la cohérence et de la continuité « des prises en charge et de l’accompagnement » ou « de l’action sociale »2.
Le niveau des interventions et des professionnels : Les notions de continuité et de cohérence, mais aussi de stabilité s’appliquent aussi au niveau des modalités, de la qualité de prestation et des objectifs fixés. Par exemple, le terme de stabilité, cité dans deux articles, précise notamment les conditions d’utilisation d’accueils modulables ou séquentiels (art. L222-5 du CASF), qui doit tenir compte des « besoins (des mineurs), en particulier de stabilité affective ».
On retrouve ces termes dans les articles faisant mention du projet pour l’enfant (art. L 223-1 du CASF) et du document individuel de prise en charge (art L 311-4 du CASF). Le terme de continuité concerne « l’accueil », « la prise en charge », « l’accompagnement », « la prestation » ou « les interventions ».
Le niveau du sujet bénéficiaire ou usager : il s’agit alors de la continuité et de la cohérence perçues ou non par le sujet, en termes de conception de sa propre histoire de vie et de sa perception de l’intervention et de l’accompagnement social.
C’est à nos yeux la complémentarité de ces trois niveaux qui s’avère indispensable pour penser le parcours de l’enfant en protection de l’enfance, notamment en raison de la multiplicité des acteurs, des institutions, des modalités d’intervention et des cadres
2 A noter que la continuité est associée à plusieurs reprises au décloisonnement et à la coordination comme dans les articles suivant du CASF :
- « continuité et décloisonnement des interventions sociales et médico-sociales » (art. L311-1)
- « cohérence et continuité des soins de toute nature que nécessite l’état de la personne, par la coordination des intervenants » (art. D344-5-12).
- « la cohérence ainsi que la coordination avec les intervenants extérieurs » (art. D312-19).
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juridiques. Mais dans quelle mesure l’articulation de ces trois niveaux peut-elle être assurée ?
Quelles réalités et quelles conceptions recouvrent la continuité et la cohérence des actions entre les intervenants, pour l’enfant et sa famille ? Comment les concepts de continuité, de cohérence, abondamment utilisés mais peu différenciés, conduisent-ils à penser la notion de parcours en protection de l’enfance ? La cohérence n’est-elle pas dans la rencontre des sens donnés par les intervenants et les bénéficiaires à l’intervention ?
Nous faisons l’hypothèse que la continuité et la cohérence au niveau institutionnel sont nécessaires pour que les interventions autour de l’enfant et de sa famille soient également cohérentes et pour qu’au final les bénéficiaires de l’intervention puissent donner sens à l’accompagnement social et l’intègrent à leur parcours personnel. Ceci conduit dans un premier temps à étudier les protocoles, la notion de « parcours », du fait de sa dimension temporelle, renvoyant à la question de la continuité ou de la discontinuité des interventions autour de l’enfant et de sa famille. La recherche de stabilité renvoie plus spécifiquement à l’exigence d’une continuité qui peut être recherchée du côté des soins, mais également des liens, et de l’accompagnement des changements inévitables, dimensions qui peuvent être examinées à l’occasion de la mise en place du projet pour l’enfant, nouvel outil également instauré par la loi du 5 mars 2007. Enfin nous nous intéresserons à l’accompagnement à l’âge adulte des jeunes sortant du dispositif de protection de l’enfance et à la place donnée au vécu subjectif des individus, l’évaluation des interventions ne pouvant plus faire l’économie du point de vue des personnes concernées.
1. Les protocoles
La multiplicité des acteurs en protection de l’enfance, la diversité des institutions, les différentes modalités de prises en charge croisent les histoires singulières des enfants et de leurs familles et rendent nécessaire la recherche d’une cohérence des réponses apportées qui se décline aussi bien entre les institutions que dans le temps pour rechercher l’absence de rupture dans le parcours de vie de l’enfant en protection de l’enfance.
La loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection de l’enfance, en renforçant le rôle de pivot du président du conseil général dans le cadre de la protection de l’enfance, participe à cette recherche de cohérence dès l’entrée dans le dispositif.
Ainsi, le président du conseil général est chargé du recueil, du traitement et de l’évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l’être. L’objectif est notamment d’assurer la centralisation des informations préoccupantes, concernant un même mineur ou une même famille, afin d’apporter une réponse adaptée et cohérente à la situation de l’enfant.
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En outre, cette loi de 2007 permet une articulation plus claire et plus lisible entre les différents acteurs de la protection de l’enfance en prévoyant que les réponses à l’enfance en danger doivent être prioritairement recherchées dans le cadre administratif. Les cas de saisine du procureur de la République sont en effet définis de façon stricte par la loi, qui positionne l’intervention judiciaire subsidiairement à l’intervention administrative.
Afin de soutenir cette cohérence dans le cadre du recueil, de l’évaluation et du traitement de l’information préoccupante, le représentant de l’Etat et l’autorité judiciaire apportent leurs concours au président du conseil général.
A cette fin, la loi dispose, dans son article 12, que « des protocoles sont établis entre le président du conseil général, le représentant de l’Etat dans le département, les partenaires institutionnels concernés et l’autorité judiciaire en vue de centraliser le recueil des informations préoccupantes au sein d’une cellule de recueil de traitement et d’évaluation de ces informations ».3
C’est donc aux protocoles en tant qu’outils d’une réponse institutionnelle à l’enfance en danger, élaborés dans un souci de clarification et de recherche de cohérence que nous consacrerons ce chapitre. Les éléments rapportés s’appuient sur la lecture de protocoles élaborés dans 50 départements.
Les significations du mot « protocole » sont multiples : dans son acception la plus ancienne, le protocole était un recueil de formules en usage pour les actes publics ou la correspondance officielle. Devenu document diplomatique constituant le procès verbal d’une réunion ou le texte d’un engagement, le protocole peut également signifier convention ou traité. Mais en matière scientifique, il peut signifier la succession d’opérations définies dans une expérimentation, une recherche ou l’ensemble de règles assurant l’échange de données en matière informatique.
Nous retrouvons ces différentes définitions dans la mise en oeuvre des protocoles départementaux étudiés. Le protocole peut en effet être conçu comme un contrat entre institutions et/ou comme la définition d’une succession d’opérations concernant le recueil, le traitement, l’évaluation de l’information préoccupante. Ainsi, certains protocoles sont centrés sur le circuit de l’information préoccupante, ses modalités d’évaluation, les retours d’informations entre partenaires, le protocole étant pris dans sa dimension de « processus ». Dans ces protocoles, certaines parties concernent plus directement le fonctionnement interne du conseil général. D’autres protocoles sont plus tournés vers les relations entre les partenaires concourant à la protection de l’enfance. L’accent sera alors mis sur les relations entre le conseil général et l’autorité judiciaire ainsi qu’avec les autres partenaires. Certains protocoles peuvent ainsi détailler le circuit de l’information préoccupante en fonction du « préoccupé » ou faire état plus généralement de l’articulation des différents partenaires autour du dispositif de protection de l’enfance et de leurs engagements. Le protocole est alors plus axé autour de la notion de contrat.
3 Cette disposition légale acte des pratiques en vigueur dans un certain nombre de département avant 2007
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Ainsi, les objectifs des protocoles étudiés sont principalement centrés sur le circuit de l’information préoccupante (« créer la cellule », « garantir les procédures », « déterminer les règles régissant la transmission des informations préoccupantes », « définir les engagements de chaque partenaire pour le recueil, le traitement et l’évaluation de l’information préoccupante », « formaliser les circuits de l’information préoccupante et du signalement »). Cependant, la nécessité de coordonner les actions des différents partenaires autour de l’information préoccupante fait nécessairement référence au travail en partenariat des différents acteurs de la protection de l’enfance et certains protocoles élargissent leurs objectifs (« coordonner l’action des différents partenaires participant ou concourant à la protection de l’enfance », « coordonner l’action des différents partenaires concernés par la prévention et la protection des mineurs en danger ou en risque », « parfaire les procédures de concertations entre parties », « coordonner les actions de l’ensemble des acteurs concernés par la protection de l’enfance autour du dispositif de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes », « coordonner l’action des différents partenaires concernés par la prévention et la protection des mineurs en danger ou en risque de l’être », « formaliser l’engagement de chaque partenaire pour la mise en oeuvre des missions de protection de l’enfance »).
De fait, chaque protocole comporte plus ou moins ces différents éléments et il n’a pas été possible d’en faire une typologie telle qu’elle a été conçue pour l’organisation des cellules départementales4. En revanche, les objectifs des protocoles concourent à la mise en oeuvre d’une plus grande cohérence, dans le cadre du recueil, du traitement et de l’évaluation des informations préoccupantes par une rationalisation des circuits, ainsi qu’à une cohérence des interventions en protection de l’enfance par une meilleure coordination des nombreux intervenants.
La recherche de la cohérence en protection de l’enfance se situe en réalité à plusieurs niveaux : sur le plan institutionnel, au niveau des interventions mises en place mais également au niveau du parcours du sujet. C’est à travers les protocoles, et après en avoir fait une description sommaire, que nous tenterons de retrouver ces différents niveaux de cohérence.
1.1 Etude des protocoles
Etat des lieux
En novembre 2009, l’Observatoire a procédé à une enquête auprès des départements5 afin de réactualiser quelques données en ce qui concerne la mise en oeuvre des cellules de recueil
4 Rapport O.N.E.D. 2008
5 Parallèlement à cette enquête, la Direction de la PJJ a réalisé une « contribution à l’évaluation de la mise en oeuvre des cellules de recueil, de traitement et d’évaluation », à partir notamment des questionnaires adressés aux services territoriaux de la PJJ et aux parquets généraux. Cette contribution a été présentée à la journée technique organisée par les ministères le 2.12.2009.
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des informations préoccupantes6. Cette étude a permis également de faire un point sur l’état d’avancement des protocoles.
Il en résulte qu’au 31.12.2009, 76 protocoles étaient finalisés dont 58 effectivement signés. Les protocoles signés antérieurement à la loi du 5 mars 2007 ont été écartés dès lors qu’un nouveau protocole était en cours de négociation.
La signature des protocoles a connu une accélération depuis juin 2009 puisqu’entre juin et décembre 2009, 23 protocoles ont été signés, soit plus d’un tiers.
La présente étude s’appuie sur la lecture des protocoles émanant de 50 départements.
La plupart des départements ont fait le choix d’un protocole unique regroupant l’ensemble des signataires. Certains ont pu scinder le protocole en deux protocoles distincts n’ayant pas les mêmes signataires. Par exemple, un département a prévu un protocole relatif à la cellule (signé avec l’autorité judiciaire) et un protocole réunissant 16 signataires, relatif au recueil des informations préoccupantes.
D’autres départements ont fait le choix d’une déclinaison bilatérale du protocole unique soit dans des annexes (principalement une annexe concernant le circuit de l’éducation nationale), soit lors de conventions à venir, les partenaires pouvant ainsi rédiger une convention spécifique reprenant leurs missions, leur organisation et leur articulation avec le dispositif de recueil des informations préoccupantes. D’autres protocoles envisagent que des avenants soient établis avec des services publics ou privés contribuant à la protection de l’enfance, non signataires du protocole. Enfin, certains protocoles prévoient la rédaction à venir entre les signataires de protocoles spécifiques sur un thème particulier, tel que la remontée des données à l’Observatoire Départemental de la Protection de l’Enfance (ODPE).
Quelques départements ont mis en oeuvre plusieurs protocoles parallèles et bilatéraux sur des thématiques qui dépassent la seule question de la centralisation du recueil des informations préoccupantes prévue par la loi (un protocole avec l’éducation nationale, un avec les professionnels de santé et deux avec les services mettant en oeuvre les mesures).
Il paraît important de souligner les limites de cette étude. En effet, les protocoles s’inscrivent dans un contexte départemental précis qui a une incidence sur la manière dont le protocole et sa place dans le dispositif ont été pensés. Ainsi, nous verrons par la suite que tous les protocoles n’abordent pas toutes les questions relatives au circuit des informations préoccupantes et aux articulations partenariales. Toutefois, les départements ont pour la plupart construit d’autres outils (et notamment des guides techniques sur le recueil et le traitement des informations préoccupantes, ou sur le dispositif de la protection de l’enfance). Ils ont également parfois signé d’autres protocoles sur des thématiques particulières (l’accueil d’urgence par exemple). Enfin, nous n’avons pas disposé de toutes les annexes aux protocoles qui contiennent souvent des éléments importants. L’absence de telle ou telle question dans le protocole départemental n’est donc pas nécessairement significative.
6 Voir annexe
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De même, la lecture du protocole ne permet pas de connaître la réalité d’investissement des partenaires dans le cadre du dispositif. La construction de la démarche a probablement été très variable d’un département à un autre. Comment ont été associés les signataires ? Un projet de protocole a-t-il été soumis aux partenaires pour signature ou un comité de pilotage a-t-il été créé avec une rédaction à plusieurs mains ? Très peu de protocoles décrivent effectivement le travail en groupes réalisé par les partenaires pour aboutir à la rédaction du protocole.
L’objectif de la présente étude n’est pas de repérer la place du protocole départemental au sein du dispositif de protection de l’enfance, mais bien, à travers la lecture des protocoles, de voir comment la loi du 5 mars 2007 impulse une recherche de cohérence du dispositif et comment les partenaires signataires ont utilisé cet outil.
Signataires
Le nombre de signataires et leur qualité sont très variables en fonction des départements. Cela reflète dans certains départements la réalité d’un partenariat antérieur à la rédaction du protocole. A l’inverse le choix des partenaires peut également s’inscrire dans une volonté de pallier des difficultés antérieures dans les circuits de remontée d’informations préoccupantes. Ainsi, on peut noter que le champ de la santé est très largement représenté.
Les cosignataires avec le président du conseil général sont variables.
En ce qui concerne l’autorité judiciaire, la loi ne précise pas s’il doit s’agir du procureur de la République, du président du tribunal de grande instance, des juges des enfants ou du magistrat coordonnateur de la justice des mineurs.
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La représentation de l’institution judiciaire
La représentation de l’institution judiciaire à l’ égard des partenaires extérieurs est complexe du fait de l’indépendance des magistrats mais aussi des missions différentes dévolues au procureur de la République et ses substituts d’une part et aux magistrats du siège dont le juge des enfants d’autre part.
Le procureur de la République est chargé de la politique judiciaire départementale (en application des instructions générales d’action publique du ministère de la justice, relayées par le procureur général). Il a donc une vision globale de la protection de l’enfance. Il est d’ailleurs placé au coeur de la mise en oeuvre du principe de subsidiarité de l’intervention judiciaire par la loi du 5 mars 2007. Dans le cadre de cette politique judiciaire, il a un pouvoir hiérarchique sur ses substituts.
Le tribunal pour enfants n’est pas une juridiction autonome. Le juge des enfants, magistrat du siège, est placé sous l’autorité hiérarchique du président du tribunal de grande instance. L’indépendance du magistrat s’entend dans le cadre de son activité juridictionnelle. Personne ne peut dicter sa décision au magistrat, ni l’influencer et la seule voie de contestation des décisions du juge des enfants est l’appel. En revanche, se pose la question du fonctionnement de la juridiction des mineurs, de son organisation et de sa représentation auprès des partenaires, notamment lorsqu’il y a plusieurs juges des enfants au sein du tribunal de grande instance. Le décret du 2 juin 2008 a répondu à cette question en prévoyant la désignation d’un magistrat coordonnateur de la juridiction des mineurs. Ce dernier organise le service de la juridiction des mineurs, coordonne les relations de cette juridiction avec les services chargés des mesures prises par celle-ci, mais sous l’autorité du président du tribunal de grande instance.
L’autorité judiciaire est donc « bicéphale » et la représentation de cette autorité est réalisée par le procureur de la République et le président du tribunal de grande instance, qui n’ont pas la même nature de lien hiérarchique avec leurs services. Toutefois, la culture judiciaire de la représentation institutionnelle se construit en tenant compte de la permanence de l’institution et d’un positionnement professionnel empreint du principe d’indépendance.
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Le procureur de la République est signataire de tous les protocoles (à l’exception d’un département où le choix a été fait de protocole bilatéraux avec d’autres institutions). Le président du tribunal de grande instance est signataire de 41 protocoles sur les 50. En cas de pluralité de juridictions sur le département, chaque tribunal de grande instance est représenté. Le (ou les) juge(s) des enfants ont été signataires de 7 protocoles (dont 5 au côté de leur président de juridiction). Enfin, quatre cours d’appel (par le biais des chefs de cour, procureur général et éventuellement premier président) ont également signé les protocoles départementaux.
En ce qui concerne l’Etat, le préfet est signataire de 46 des 50 protocoles. En général, lorsqu’il n’est pas signataire, d’autres services de l’Etat le sont.
La direction départementale de la P.J.J. est signataire de 39 protocoles. Lorsqu’elle ne l’est pas, et à l’exception de deux protocoles (très orientés autour du partenariat avec l’Education Nationale), le préfet – représentant des services de l’Etat dans le département – est signataire.
L’Education Nationale est signataire de 45 protocoles, principalement sous la plume de l’inspecteur d’académie (mais aussi de deux recteurs). L’enseignement catholique est associé dans six départements et l’enseignement agricole dans deux départements.
Les forces de l’ordre sont signataires de 11 protocoles (il s’agit de la direction départementale de la sécurité publique et/ou de groupement de gendarmerie).
La D.D.A.S.S est signataire de 7 protocoles et la direction départementale de la jeunesse et des sports de 5 protocoles.
Dans le champ de la santé, les signataires sont variés, en lien avec les dynamiques locales. 28 protocoles sont signés par un ou plusieurs représentants de ce champ, dont 15 par le représentant du conseil départemental de l’ordre des médecins, deux par le conseil de l’ordre des sages femmes, 18 par un ou plusieurs directeurs de centre hospitalier, deux par l’agence régionale d’hospitalisation et une M.D.P.H.
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Proportion de protocoles ayant pour signataire…
Nombre de protocoles
%
Autorité judiciaire
Procureur de la République
49
98%
Tribunal de Grande Instance
41
82%
Juge des enfants
7
14%
Préfet
46
92%
Éducation Nationale
45
90%
Direction départementale PJJ
39
78%
Santé
28
56%
Forces de l'ordre
11
22%
Associations
9
18%
DDASS
7
14%
Direction départementale de la Jeunesse et des sports
4
8%
Note de lecture : 98% des 50 protocoles ont été signés par le procureur de la République
Les autres signataires de ces différents protocoles sont en nombre plus restreint. Ainsi la C.A.F. est signataire dans six départements, la M.S.A. dans deux départements. Un maire est signataire dans deux départements et les C.C.A.S. sont également représentés dans six protocoles. Les associations sont peu représentées (dans 9 départements) ; on a pu ainsi repérer en signataire des sauvegardes départementales, l’UDAF, l’URIOPSS, mais aussi l’association « enfance majuscule » et des associations locales.
L’ordre des avocats est signataire de 5 protocoles et le représentant du défenseur des enfants est signataire dans deux départements.
Deux protocoles n’ont été signés que par le président du conseil général, le préfet et l’autorité judiciaire (l’un d’entre eux ayant été également signé par la D.D.P.J.J.). 13 protocoles ont été signés par les précédents et l’éducation nationale (et éventuellement l’enseignement privé). Au-delà, le nombre et la qualité des signataires sont variables.
La signature du protocole par un représentant institutionnel ne garantit pas pour autant l’appropriation de son contenu par les professionnels des institutions concernées. Près d’un tiers des protocoles prévoit en conséquence expressément l’engagement des signataires à diffuser le protocole au sein de leurs services.
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Engagements des signataires
Les engagements des signataires- lorsqu’ils sont expressément énoncés - sont variables en fonction des protocoles. Il est toutefois possible de les regrouper autour de quelques thèmes.
Le premier concerne les modalités de diffusion de protocole. Ainsi, les signataires s’engagent à diffuser le protocole en interne de leur institution, mais également à organiser ou à participer à des formations ou des séances d’informations sur le dispositif de protection de l’enfance ou bien encore à faire connaître le protocole aux partenaires non signataires oeuvrant dans le cadre de la protection de l’enfance.
Le deuxième type d’engagements concerne le respect du circuit des informations préoccupantes en garantissant notamment le retour des informations ou en s’engageant à remettre aux autres signataires leur propres modalités de coordination interne et de procédures spécifiques en matière de transmission d’informations préoccupantes. En lien, les signataires peuvent s’engager à permettre l’échange de données anonymes entre partenaires. Les signataires peuvent également s’engager à désigner un correspondant « cellule » au sein de leur institution.
Le troisième type d’engagement concerne la participation aux instances partenariales. Les signataires s’engagent alors à désigner des représentants pour participer aux instances de concertation et d’échange prévues par le protocole, à participer au comité de pilotage du protocole.
De façon plus générale, les signataires de deux protocoles s’engagent à « veiller à la continuité et à la cohérence des actions menée auprès des familles et des enfants concernés »
1.2 Le cadre institutionnel permettant la cohérence d’intervention
L’institution garantit le cadre des interventions et à ce titre le cadre institutionnel qu’offre le protocole en application de la loi peut participer à la mise en oeuvre d’une cohérence dans les interventions en protection de l’enfance. Cette cohérence institutionnelle se situe à plusieurs niveaux : au sein du conseil général qui assure à l’échelon départemental la régulation du recueil des informations préoccupantes et de leur traitement, mais également dans les relations institutionnelles entre l’autorité administrative et l’autorité judiciaire et entre les différents partenaires.
La cohérence au sein des services du conseil général
Le président du conseil général est chargé du recueil, du traitement et de l’évaluation des informations préoccupantes. Il est garant d’une uniformisation du traitement des informations permettant une égalité de traitement au sein du département - quelque soit le préoccupé adressant l’information à la cellule - et du suivi de cette information. Pour ce
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faire, les protocoles ont dans leur grande majorité défini l’information préoccupante. Par ailleurs, la cohérence de la réponse institutionnelle interroge la permanence de la structure ou de l’organisation chargée du traitement des informations préoccupantes.
La définition de l’information préoccupante
Les protocoles, dans leur grande majorité (38 sur 50), présentent une définition de l’information préoccupante. Ces définitions renvoient systématiquement à la notion de danger ou de risque de danger, certaines d’entre elles citant expressément l’article 375 du code civil.
Onze d’entre eux reprennent totalement la définition proposée par le guide pratique sur la cellule départementale de recueil, traitement et d’évaluation7 : « on entend par information préoccupante tout élément d’information, y compris médical, susceptible de laisser craindre qu’un enfant se trouve en situation de danger ou de risque de danger, puisse avoir besoin d’aide, et qui doit faire l’objet d’une transmission à la cellule départementale pour évaluation et suite à donner ». Dans quinze autres protocoles la définition est reprise sans que la nécessité d’une transmission à la cellule ne soit précisée. Sont alors visées la situation de danger (ou de risque de danger) et le besoin d’aide. L’information préoccupante est ramenée à l’information laissant craindre un danger ou un risque de danger, sans qu’il soit fait référence au besoin d’aide, dans huit protocoles (dont trois prévoient une évaluation préalable à la transmission par les professionnels des institutions signataires). Enfin deux protocoles renvoient à la situation de danger et à la nécessité de transmission à la cellule de l’information préoccupante.
Certains protocoles précisent le périmètre des informations préoccupantes : ainsi, un protocole précise que les éléments peuvent être des faits observés, des propos entendus, des inquiétudes sur les comportements de mineurs ou d’adultes à l’égard d’un mineur. Nous avons là une description formelle de l’élément menant à la préoccupation. Un autre document délimite le champ de l’information préoccupante par l’exclusion des jeunes majeurs, des femmes enceintes majeures et des familles éprouvant des difficultés sociales. Un troisième protocole s’attache à définir précisément l’information préoccupante lorsque la situation est déjà connue par un service médico-social : sera alors considérée comme information préoccupante tout élément nouveau, récurrent ou récidivant, qui modifie significativement la perception de la situation (cela permet d’éviter de considérer comme information préoccupante les éléments qui fondent l’intervention médico-sociale en cours ainsi que les questionnements des travailleurs sociaux relevant d’un encadrement technique).
7 Guide pratique sur la cellule départementale de recueil, traitement et d’évaluation, Ministère de la Santé et des Solidarités, accessible en ligne sur www.oned.gouv.fr
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Un protocole ajoute à la définition du guide deux questions préalables qui déterminent le champ de l’information préoccupante : en quoi les besoins physiques, affectifs, intellectuels, psychiques ou sociaux de l’enfant sont-ils compromis et quelle est la capacité des parents à accepter un accompagnement approprié afin de mieux répondre aux besoin(s) de son enfant ?
En tout état de cause, aucun ne cherche à définir l’information préoccupante par le contenu du danger ou du risque de danger au-delà du cadre de référence offert par l’article 375 du Code Civil. En revanche, un protocole s’attelle à décrire les signes indicateurs d’enfants en risque de danger ou en danger.
En outre, un nombre important de protocoles prévoit la nécessité d’une évaluation préalable à la transmission de l’information préoccupante à la cellule (évaluation antérieure intégrée dans la définition de l’information préoccupante dans trois protocoles) Ainsi, par exemple, certains protocoles précisent que « les procédures internes d’évaluation et de décisions propres à chaque institution seront mises en oeuvre avant transmission à la cellule » D’autres disposent que si l’information préoccupante « émane de professionnels des institutions signataires du présent protocole, elle doit faire l’objet d’une investigation ou d’une évaluation, préalablement à sa transmission à la cellule ». La transmission « sans délai » de l’information préoccupante prévue par l’article L 226-2-1 du C.A.S.F. est donc réinterrogée par certains dispositifs départementaux, sauf à penser que l’évaluation préalable à laquelle les protocoles renvoient porte en réalité sur ce qui peut permettre de caractériser l’information de « préoccupante ». Ainsi, selon un autre protocole, il appartient à chaque institution, selon son organisation propre, d’évaluer le caractère préoccupant d’une information avant transmission à la cellule.
La centralisation des informations préoccupantes
La loi dispose que le président du conseil général est chargé du recueil, du traitement et de l’évaluation « à tout moment » et « qu’elle qu’en soit l’origine », des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l’être. Le recueil à tout moment induit-il la nécessité d’un lieu permanent de réception de l’information préoccupante ? Cela signifierait que les conseils généraux devraient mettre en place un dispositif accessible en permanence. Mais quelle organisation est rendue nécessaire pour le traitement et l’évaluation « à tout moment » des informations préoccupantes ?
Tous les protocoles ne traitent pas en leur sein de la question de la permanence du dispositif de recueil qui peut être abordée dans le cadre des guides techniques ou les annexes.
Près de la moitié des protocoles précise les heures d’ouverture de la cellule ou du numéro vert local. Quelques protocoles font état de l’existence d’un cadre d’astreinte en dehors des heures d’ouverture de la cellule et réservé aux professionnels (les particuliers étant renvoyés au 119).
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Deux protocoles renvoient au cadre du foyer de l’enfance qui organise l’accueil du mineur en cas d’ordonnance de placement provisoire.
Plus majoritairement, les protocoles renvoient au procureur de la République, éventuellement par le biais des services de police et de gendarmerie. Ce renvoi s’appuie sur l’urgence – critère souvent utilisé dans les protocoles pour la saisine du parquet (voir infra). Cela recouvre les situations pour lesquelles la mise à l’abri immédiate de l’enfant est nécessaire du fait d’un enjeu vital. 8
Le 119 est également cité comme relais par une dizaine de départements. L’information est alors donnée de l’existence du numéro national accessible en permanence. Un département toutefois fait référence à la convention établie avec le SNATED de bascule du numéro vert départemental vers le 119 pendant les heures de fermeture du service téléphonique départemental.
Le guide précité sur « la cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation » préconise que la cellule fonctionne sur une plage horaire la plus large possible et qu’il soit prévu les relais nécessaires pour assurer une permanence en lien avec les institutions.
Le suivi des informations préoccupantes
La cellule est positionnée la plupart du temps comme étant garante des procédures de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes. A ce titre, elle est garante de l’évaluation en règle générale mais plus précisément de sa durée qui est définie dans presque tous les protocoles. La durée reprise dans les protocoles est de 2 ou 3 mois maximum (parfois 4) avec cependant plusieurs étapes possibles : 4 8 heures par exemple pour l’analyse de premier niveau, un mois pour le recueil des premiers éléments, 1 mois renouvelable 2 fois ou un temps plus courts dans certaines situations d’extrême gravité ou particulières (et notamment pour les enfants en bas âge).
Cette temporalité nécessite un suivi précis par les dispositifs de recueil ce qui renvoie à l’existence ou non d’outils dont se dotent les conseils généraux tels que des tableaux de bord. Cette question n’apparaît pas dans les protocoles, mais il s’agit de procédures internes au service. Toutefois, le rapport de la Cour des comptes fait le constat que « les départements ne disposent pas d’un tableau de bord centralisé permettant de suivre les informations préoccupantes reçues, leur provenance et les suites données. Cela s’explique souvent par l’absence d’outil informatique adapté »9.
8 Sur la question du recueil à tout moment de l’information préoccupante et du traitement en urgence dans les organisations départementales, voir rapport ONED 2008, page 33
9 Cour des comptes, rapport public 2009, La protection de l’enfance, page 22
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1.3 La subsidiarité de l’intervention judiciaire
La mise en oeuvre du principe de subsidiarité de l’intervention judiciaire nécessite une clarification des conditions de saisine de l’autorité judiciaire. Qu’est-ce qui fait qu’une information préoccupante devient signalement ? Quels sont les critères de saisine de l’autorité judiciaire ? La loi n°2007-293 du 5 mars 2007 a défini les situations dans lesquelles le président du conseil général adresse un signalement au procureur de la République. Mais elle a parallèlement maintenu la possibilité pour toute personne travaillant au sein des organismes susceptibles de connaître des situations de mineurs en danger ou qui risquent de l’être d’aviser directement le procureur de la République du fait de la « gravité de la situation ». La juxtaposition de ces circuits d’information, en principe distincts en fonction de l’origine du signalement, complexifie les circuits d’autant que dans le cadre d’un premier tri, les cellules départementales peuvent être amenées à saisir directement le procureur de la République, sans évaluation complémentaire, en raison de critères de gravité. La définition de la gravité peut en outre être variable en fonction des départements ce qui apparaît dans le cadre des protocoles. Enfin, la très grande majorité des protocoles prévoit la saisine du procureur de la République lorsque les faits paraissent constitutifs d’une infraction pénale.
Le signalement
Le terme de signalement est désormais réservé au document adressé au procureur de la République signalant la situation d’un enfant en danger ou en risque de danger. En effet, si la loi ne définit pas le signalement, elle réserve néanmoins ce terme aux informations individuelles transmises au procureur de la République. A partir de cette place lexicale dans la loi, le guide précité10 définit le signalement comme étant « un acte professionnel écrit présentant après évaluation la situation d’un enfant en danger qui nécessite une protection judiciaire ». C’est donc bien en fonction de sa place dans le parcours ou de sa destination que le signalement se distingue de l’information préoccupante.
Plus de la moitié des protocoles définit le signalement par la saisine de l’autorité judiciaire. Dans la plupart de ces protocoles, il est repris que l’écrit émane de professionnels et qu’il a été établi après évaluation. Toutefois, du fait des parcours possibles d’une information préoccupante, l’évaluation n’est pas toujours pluri institutionnelle ni même pluri disciplinaire. En effet, il est prévu par nombre de protocoles que la cellule puisse effectuer une analyse de premier niveau lors de la réception de l’information préoccupante afin de l’orienter vers l’autorité judiciaire si nécessaire. Un protocole – qui définit les notions de recueil, de traitement et d’évaluation de l’information préoccupante - précise que le traitement est constitué de cette analyse de premier niveau. Cette analyse, souvent conçue sur un temps très court, ne permet pas nécessairement une évaluation poussée de la situation. De même, la loi prévoit que toute personne travaillant au sein des organismes concourant à la protection de l’enfance puisse «aviser directement du fait de la gravité de la situation, le
10 Op.cité, cf. note de bas de page n°7
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procureur de la République » (voir infra). Ainsi, un protocole a prévu que l’information préoccupante à traitement immédiat par le parquet de par son caractère pénal est aussi dénommée signalement, mais sans évaluation préalable.
La volonté du législateur de placer le président du conseil général en position de chef de file de la protection de l’enfance amène la mise en place d’un dispositif qui doit préserver d’une part la subsidiarité de l’intervention judiciaire et d’autre part la centralisation des informations préoccupantes quels que soient leur circuits. Les protocoles s’attachent en conséquence à déterminer de façon plus ou moins précise les moyens de centraliser à la cellule les informations concernant les signalements au parquet ainsi que les informations qui arrivent directement au juge des enfants.
Les cas de saisine du parquet par le président du conseil général
Les trois cas de saisine du procureur de la République prévues à l’article L226-4 CASF 11sont en règle générale repris par les protocoles. Il appartient au procureur de la République de s’assurer que la situation du mineur entre bien dans le champ d’application de cet article. Quelques protocoles renvoient au rôle du parquet sur ce point. Le procureur de la République ne pourra toutefois s’assurer que la situation entre bien dans le champ de compétence judiciaire qu’à partir d’éléments contenus dans le rapport qui lui est adressé et qui déterminent l’inefficacité des mesures administratives, le refus de la famille de l’intervention administrative ou l’impossibilité d’évaluer.
La question du refus par la famille de l’intervention administrative reste délicate : en effet, une famille peut être en accord sur la nécessité d’une aide mais pas nécessairement sur le contenu de la prestation proposée par les services du conseil général. Préalablement au signalement, le type de travail avec la famille est déterminant sur la recherche de l’accord nécessaire à la mise en place d’une prestation d’aide sociale à l’enfance. De même, afin que le procureur de la République puisse valablement s’assurer de la régularité de la saisine au regard des critères de l’article L 226-4 C.A.S.F., il est nécessaire de caractériser l’impossibilité d’évaluer la situation. Sur ces différents points nécessaires à une bonne articulation entre le président du conseil général et le procureur de la République, les protocoles en règle générale ne se prononcent pas, énonçant les seules dispositions
11 « Le président du conseil général avise sans délai le procureur de la République lorsqu'un mineur est en danger au sens de l'article 375 du code civil et :
1° Qu'il a déjà fait l'objet d'une ou plusieurs actions mentionnées aux articles L. 222-3 et L. 222-4-2 et au 1° de l'article L. 222-5, et que celles-ci n'ont pas permis de remédier à la situation ;
2° Que, bien que n'ayant fait l'objet d'aucune des actions mentionnées au 1°, celles-ci ne peuvent être mises en place en raison du refus de la famille d'accepter l'intervention du service de l'aide sociale à l'enfance ou de l'impossibilité dans laquelle elle se trouve de collaborer avec ce service.
Il avise également sans délai le procureur de la République lorsqu'un mineur est présumé être en situation de danger au sens de l'article 375 du code civil mais qu'il est impossible d'évaluer cette situation.»
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législatives. Un protocole souligne cependant que « l’accord des parents se situe non seulement sur la mise en place de la mesure mais également sur les éléments de diagnostic, sur le travail à mener ensemble et sur les modalités de prise en charge ».
Sur ce point, il est important d’attirer l’attention sur la position de la Cour des comptes dans son rapport annuel 2009 qui précise que « Les modalités de recueil du consentement des familles, indispensable en raison du caractère non obligatoire des décisions administratives, gagneraient à être mieux encadrées. »12
La gravité de la situation
Parallèlement aux cas de saisine de l’autorité judiciaire par le président du conseil général, la possibilité de saisir directement le procureur de la République a été maintenue pour les personnes travaillant au sein des organismes mentionnés au quatrième alinéa de l’article L 226-3 CASF 13en raison de « la gravité de la situation ». Cette disposition légale a en fait pour objectif de faciliter la centralisation du recueil de toutes les informations préoccupantes puisque l’article L226-4 II précise que ces personnes doivent envoyer copie du signalement au président du conseil général. Mais cette disposition légale fait ainsi entrer un nouveau cas de saisine du procureur de la République.
Cet article renvoie à deux problématiques : la saisine directe du procureur de la République par le président du conseil général au vu de la gravité de la situation et la définition de la gravité de la situation.
La saisine du procureur de la République par le président du conseil général en raison de la gravité de la situation
A la lecture des travaux parlementaires, il apparaît qu’il a été envisagé (notamment par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale) d’ajouter aux critères de saisine de l’autorité judiciaire par le président du conseil général « le danger grave et manifeste » dans lequel se trouve le mineur, les actions mentionnées aux articles L226-3, L226-4-2, L222-5 1°, ne pouvant permettre de remédier à la situation. La commission des affaires sociales du Sénat s’est opposée à cette rédaction en indiquant qu’il serait difficile de distinguer un danger « grave et manifeste » d’un danger « normal ». Le gouvernement n’était pas opposé à ce cas de saisine qui recouvre – selon Philippe BAS – les situations rares mais réelles pour lesquelles l’éventuelle action de l’aide sociale à l’enfance n’a aucune chance de réussir. Toutefois l’amendement proposé par l’Assemblée nationale a été écarté afin d’éviter la saisine trop fréquente de l’autorité judiciaire. En effet, selon certains, la possibilité de saisir le juge, sans consultation des services, ramènerait à la
12 Rapport 2009 « La protection de l’enfance », Cour des comptes, p. 35
13 Les services publics ainsi que les établissements publics ou privés susceptibles de connaître des situations de mineurs en danger ou qui risquent de l’être et associations concourant à la protection de l’enfance.
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situation précédente et ne garantirait pas une réelle subsidiarité. La modification proposée par l’Assemblée nationale n’a donc pas été adoptée.
De fait, cette question se retrouve néanmoins dans l’organisation du recueil et du traitement des informations préoccupantes. Plus de la moitié des protocoles étudiés prévoit en effet expressément que la cellule opère une analyse de premier niveau qui permet d’évaluer l’urgence et la gravité de la situation et de décider des suites à donner (dont l’évaluation mais également la saisine du procureur de la République sans évaluation complémentaire). Le guide pratique précité sur la cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation prévoit cette analyse de premier niveau « afin de déterminer si la situation exige un signalement sans délai au procureur de la République, du fait de son extrême gravité ».
Certains protocoles s’articulent autour du circuit de l’information préoccupante : à ce titre, il est mis l’accent sur celui qui informe la cellule. Il est alors parfois souligné que cette voie de saisine du procureur de la République n’est ouverte qu’aux professionnels de la protection de l’enfance. D’autres protocoles sont plus centrés sur l’articulation entre le président du conseil général et l’autorité judiciaire. Les différentes situations pour lesquelles il y a signalement sont donc déclinées sans que pour autant il soit fait une distinction entre celui qui signale au procureur de la République la situation « grave », « extrêmement grave », « urgente » ou « constitutive d’une infraction pénale ». D’autres enfin prévoient expressément que les services du conseil général peuvent saisir le procureur de la République en raison de la gravité de la situation.
La définition de la gravité
La loi n°2007-293 du 5 mars 2007 ne donne aucun élément d’explicitation de la gravité, d’autant que son article 12 mentionne cette possibilité uniquement pour rappeler la nécessité que la cellule en soit informée dans son rôle de centralisation des informations.
Le guide pratique précité « la cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation » ajoute l’adjectif « extrême » à la gravité de la situation et souligne par ailleurs que les personnes mentionnées à l’article 12 précité conservent la possibilité d’aviser directement le procureur de la République « en cas de danger grave tel qu’il nécessite, sans délai, une protection judiciaire de l’enfant ». Il s’agit notamment – selon le guide – « des situations faisant apparaître que l’enfant est en péril, qu’il est gravement atteint dans son intégrité physique ou psychique, ou qu’il est peut-être victime de faits qualifiables pénalement. Les mesures de protection administrative s’avérant d’emblée inopérantes, la situation du mineur nécessite une protection judiciaire immédiate». Cette lecture par le guide rejoint la position de Philippe BAS lors des débats parlementaires (voir supra).
L’absence d’éléments dans le texte de loi sur la qualification de gravité de la situation a entraîné une réelle diversité d’objectivation de ce cas de saisine du procureur de la République.
L’ensemble des protocoles reprend la notion de « gravité de la situation » ou « d’extrême gravité de la situation» et la caractérise de plusieurs façons : il peut s’agir de l’urgence, de la
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nécessité d’une protection judiciaire immédiate, ou de l’éventualité que les faits constituent une infraction pénale. Les trois niveaux peuvent d’ailleurs être confondus : l’urgence est parfois caractérisée par la nécessité d’une protection judiciaire immédiate, d’une « mise à l’abri » immédiate. Dans deux protocoles, la gravité résulte du cumul de l’urgence et de la fermeture du niveau opérationnel de la cellule.
La nécessité d’une protection judiciaire immédiate est ainsi définie dans plusieurs protocoles comme étant « la situation de péril portant atteinte à l’intégrité physique ou morale de l’enfant et qui nécessite sa mise à l’abri immédiate ».
Quelques protocoles différencient l’extrême gravité et l’extrême urgence de la gravité et de l’urgence : dans le premier cas, il est visé la situation de péril immédiat et l’atteinte grave à l’intégrité de l’enfant. La gravité ou l’urgence est en revanche retenue lorsque des révélations de violences pouvant induire des poursuites pénales risquent de mettre l’enfant dans une situation de pression ou d’entraver l’action pénale.
La loi n°2007-293 du 5 mars 2007 ne vise pas l’urgence comme motif de saisine du parquet. Par ailleurs, elle précise que le président du conseil général recueille les informations préoccupantes « à tout moment » ce qui devrait renforcer l’idée que l’urgence n’est pas un motif de saisine de l’autorité judiciaire.
Toutefois, pour mémoire, l’amendement prévoyant la saisine directe du procureur de la République envisageait de restreindre les motifs de sa saisine « du fait de la gravité et de l’urgence de la situation ». L’amendement effectivement voté a finalement exclu l’urgence au motif que l’article 375-5 du code civil prévoyait déjà que l’intervention directe du procureur de la République avait lieu en cas d’urgence14.
Certains protocoles justifient d’ailleurs la saisine directe du procureur de la République en cas d’urgence par la nécessité de mettre l’enfant à l’abri de façon immédiate et en conséquence par l’impossibilité d’évaluer le danger ou par le fait que la protection administrative s’avère d’emblée inopérante, ce qui permet de retourner aux cas de saisine du procureur de la République par le président du conseil général.
L’éventualité que les faits puissent revêtir une qualification pénale comme critère de saisine du procureur de la République sans passer par la cellule apparaît également dans tous les protocoles soit comme étant le motif de la saisine, soit comme étant la cause de la gravité de la situation. Certains protocoles ne visent que ce cas de saisine directe du procureur de la République au titre de la gravité de la situation.
14 Art.375-5 du code civil début du deuxième alinéa « En cas d’urgence, le procureur de la République du lieu où le mineur a été trouvé a le même pouvoir, à charge de saisir dans les huit jours le juge compétent, qui maintiendra, modifiera ou rapportera la mesure. »
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L’infraction pénale
Dès lors que les faits peuvent être qualifiés pénalement, cela justifie pour l’ensemble des protocoles que le procureur de la République doit être saisi en protection de l’enfance. Dans un grand nombre d’entre eux, l’infraction pénale concerne la maltraitance physique ou sexuelle. Il n’est cependant pas souvent signifié que l’infraction pénale dont le mineur est victime a lieu dans la sphère familiale. De façon plus générale, c’est la question de l’articulation entre l’infraction pénale et la protection de l’enfance qui est posée à travers les protocoles.
Sauf à l’inclure dans la notion de gravité de la situation, ce cas de saisine du procureur de la République n’est en effet pas prévu par la loi n°2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance.
Toutefois, certains protocoles assimilent gravité et infraction pénale et combinent la nécessité d’une protection immédiate et de la qualification pénale des faits rapportés. Ainsi, le risque de pression sur l’enfant peut justifier sa mise à l’abri immédiate. Par ailleurs, la révélation de faits susceptibles de constituer une infraction pénale peut empêcher la poursuite de l’évaluation. Ce n’est donc pas proprement dit l’existence éventuelle d’une infraction pénale qui justifie la saisine du procureur de la République – dans le cadre de la protection de l’enfance – mais bien les conséquences des révélations sur la situation de l’enfant.
D’autres protocoles prévoient néanmoins que l’infraction pénale justifie systématiquement la saisine de l’autorité judiciaire sans la raccrocher expressément à la gravité de la situation.
La saisine du procureur de la République est alors raccrochée à des textes légaux plus généraux (parfois cités) tels que :
L’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale :
« Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. »
Ou encore l’article 434-3 du code pénal :
« Le fait, pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d'atteintes sexuelles infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou d'un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende.
Sauf lorsque la loi en dispose autrement, sont exceptées des dispositions qui précèdent les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l'article 226-13. »
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Néanmoins, il faut souligner que l’article 434-3 du code pénal prévoit que l’information puisse être portée à une autorité administrative. L’article 40 du code de procédure pénale en ce qui le concerne n’a pas pour fondement la protection de l’enfance mais concerne plus directement le rôle du procureur de la République en termes de protection de l’ordre public.
Si les deux champs judiciaires (pénal et protection de l’enfance) sont distingués, la question reste de savoir si la saisine du procureur de la République par rapport à l’existence d’une infraction a pour objectif la mise en oeuvre d’une procédure pénale ou vise à pourvoir à la protection de l’enfant. Il apparaît à travers la lecture des protocoles que ces deux champs ne sont pas toujours distingués et que la saisine du procureur de la République implique l’intervention judiciaire dans les deux champs précités. De fait, lorsque les champs de compétence ne sont pas clairement définis, les articulations entre l’intervention judiciaire et l’intervention administrative ne sont pas forcément claires. De même que les articulations entre le champ de la protection de l’enfance et le champ pénal (voir infra sur le parcours du sujet).
Il ne faudrait pas qu’au travers des protocoles on en revienne indirectement à l’ancienne distinction risque de danger (du côté de l’administratif) et danger (du côté du judiciaire), le danger étant ramené à la seule question de la maltraitance par le biais de la commission d’une infraction pénale15.
1.4 Le partenariat institutionnel
Le protocole est l’occasion de mettre en place des dispositifs de concertations entre partenaires. Au-delà, certains protocoles ont d’ailleurs conduit à initier des processus de travail autour de certaines problématiques qui dépassent la question du circuit de l’information préoccupante et de la saisine de l’autorité judiciaire.
Les dispositifs de concertations partenariales
La plupart des protocoles prévoit l’existence d’un dispositif partenarial en lien avec le dit protocole, ou au sein de la cellule. Ce dispositif est plus ou moins actif (le minimum prévu étant une réunion annuelle pour évaluer la mise en oeuvre du protocole). De fait, en fonction des organisations départementales, le groupe de suivi du protocole ou le comité de pilotage de la cellule peuvent avoir des objectifs communs. Il peut s’agir d’évaluer la qualité du
15 Le partage entre risque de danger et danger s’est inscrit pour la première fois lors du décret du 7 janvier 1959 qui prévoyait que le directeur départemental de la population et de l’aide sociale était chargé « d’exercer une action sociale préventive auprès des familles dont les conditions d’existence risquent de mettre en danger la santé, la sécurité ou la moralité de leurs enfants ». Ce décret faisait écho à l’ordonnance du 23 décembre 1958, relative à la protection de l’enfance et de l’adolescence en danger, qui prévoyait que les mineurs « dont la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation sont compromises peuvent faire l’objet de mesures d’assistance éducative ».
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dispositif de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes, de piloter le dispositif, de proposer des orientations spécifiques en protection de l’enfance au vu d’un bilan annuel d’activité, de fournir des statistiques ou des comptes rendu chiffrés des interventions, de mettre en place des groupes de travail (notamment pour la rédaction de référentiels).
Un protocole prévoit que la cellule organise entre professionnels partenaires des temps d’échange autour de situations individuelles pour relever les bonnes pratiques et les diffuser et un autre prévoit la réunion d’un comité technique constitué de représentants du conseil général et de responsables associatifs pour travailler sur les situations préoccupantes ou sur des problématiques particulières.
En principe, les groupes de suivi des protocoles ne sont composés que des signataires. Les groupes d’animation de la cellule départementale peuvent avoir une composition différente, notamment par la présence des juges des enfants.
L’articulation de ces instances partenariales avec l’observatoire départemental de protection de l’enfance ou le schéma de protection de l’enfance n’est pas toujours définie dans les protocoles. L’un d’entre eux prévoit que les modalités de fonctionnement prévues par le protocole sont évaluées à partir du bilan d’activité de la cellule examiné dans le cadre de l’Observatoire Départemental de la Protection de l’Enfance (ODPE). Un autre dispose que les modalités du protocole sont évaluées une fois par an à partir du bilan d’activité de la cellule et de celui de l’observatoire départemental de protection de l’enfance. Un protocole prévoit que la cellule assurera le secrétariat de l’observatoire. Un autre que l’organe de pilotage et de concertation de la cellule sera l’un des composants du futur ODPE.
Les observatoires départementaux de protection de l’enfance sont encore peu implantés puisque fin 2009, deux tiers des départements n’en disposaient pas. Plus de la moitié des protocoles y font référence, soit en reprenant la loi du 5 mars 2007 qui prévoit leur création et leurs missions, soit en étant plus précis sur son organisation, les partenaires siégeant à l’observatoire et le nombre de réunions annuelles envisagées.
Les dispositions du protocole allant au-delà du circuit de l’information préoccupante
Le protocole peut être l’occasion de définir des procédures dans des situations bien déterminées dans sa dimension contractuelle.
Un protocole souligne la procédure à suivre par les services du conseil général pour solliciter auprès de l’autorité judiciaire l’exécution des ordonnances de placement provisoire et un autre précise que le service institué « gardien » assure l’exécution de la décision de placement y compris lorsque la force publique est requise.
De même, un protocole envisage le processus à mettre en oeuvre lorsqu’un enfant est auteur d’une infraction pénale alors qu’il est accueilli à l’aide sociale à l’enfance ; le même
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protocole envisage la procédure à suivre lorsqu’une information préoccupante concerne un enfant victime alors qu’il est accueilli chez une assistante familiale ou une assistante maternelle. Deux autres protocoles décrivent les procédures spécifiques lorsque le signalement aboutit à une suspension provisoire d’agrément d’assistante maternelle ou familiale ou lorsque l’auteur présumé est un professionnel dans le cadre de violences institutionnelles. Ces procédures ont principalement pour objectif d’articuler la procédure judiciaire et la procédure administrative.
Un autre protocole traite – à côté du recueil d’informations préoccupantes - de la question des infractions pénales en milieu scolaire, de la définition d’un diagnostic partagé de sécurité et des actions judiciaires en découlant.
1.5 La cohérence des interventions
Le cadre institutionnel ainsi posé, les protocoles peuvent permettre également d’articuler les interventions des différents partenaires afin d’en assurer la cohérence autour de l’enfant et de la famille. Cette cohérence passe dans un premier temps par une meilleure information entre les différentes personnes ou institutions par lesquelles transitent les informations préoccupantes, notamment lorsque les institutions émettrices restent en relation avec la famille et l’enfant. Elle passe également par les modes relationnels qui s’instituent entre l’autorité administrative et l’autorité judiciaire.
La recherche de la cohérence des interventions s’exprime également dans le principe de l’évaluation pluridisciplinaire et son corollaire le partage d’informations entre professionnels.
Les relations entre le conseil général et l’autorité judiciaire
Au delà de la répartition des compétences entre le conseil général et l’autorité judiciaire, le protocole peut permettre de prévoir une meilleure articulation entre l’autorité administrative et l’autorité judiciaire. Cependant, « l’autorité judiciaire » recouvre deux réalités différentes dont les compétences, la place dans le système de protection de l’enfance et au sein même du système judiciaire ne sont pas les mêmes : en effet, le juge des enfants, magistrat indépendant, intervient sur les situations individuelles. Il n’est pas chargé d’une politique publique à laquelle il participe néanmoins par les décisions individuelles qu’il prend. Le procureur de la République, et ses substituts, représente l’Etat dans le système judiciaire. « Plaque tournante » du système, il reçoit un certain nombre d’informations pour lesquelles il décide d’une suite qui peut s’inscrire dans le cadre de l’ouverture d’une procédure d’assistance éducative comme dans le cadre de poursuites pénales.
L’articulation entre les services du conseil général et l’autorité judiciaire se conçoit donc de façon complexe, d’une part dans les relations avec le « parquet » et d’autre part dans les relations avec les juges des enfants.
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Les relations avec le procureur de la République et ses services
En ce qui concerne le parcours des informations préoccupantes, la loi apporte un certain nombre de réponses pour faciliter le retour d’information du procureur de la République sur le suivi des signalements qui lui sont adressés ainsi que le recueil par le président du conseil général des signalements adressées directement au parquet et pour lesquels – faute de suite judiciaire – la question se pose d’un traitement administratif.
Lorsque le procureur de la République reçoit un signalement de la part du président du conseil général, il lui appartient de s’assurer de la bonne application de l’article L224-6 du CASF. Il doit donc vérifier qu’une mesure d’action sociale n’est pas ou plus envisageable faute d’accord de la famille ou faute d’efficacité d’une telle mesure ou en raison d’un refus par la famille de toute évaluation. Ce travail de légalité de sa saisine concourt à donner toute son amplitude au principe de subsidiarité de l’intervention judiciaire.
Il a l’obligation légale d’informer dans les meilleurs délais le président du conseil général des suites qui ont été données à sa saisine. Cette obligation permet notamment à l’autorité administrative de centraliser le traitement des informations préoccupantes. Elle est rappelée dans la plupart des protocoles.
La loi dispose également que le procureur de la République transmet par ailleurs au président du conseil général les informations (signalement direct) qu’il reçoit d’une autre personne que les personnes travaillant au sein des organismes mentionnés à l’article L226-3 CASF, « informations qui sont nécessaires à l’accomplissement de la mission de protection de l’enfance confiée à ce dernier ».
L’apparente clarté de ce dispositif comporte cependant quelques questionnements auxquels les protocoles tentent de répondre.
La première question est posée par la rédaction de l’article L226-4 CASF qui pourrait laisser entendre que le procureur de la République n’adresse les suites données au signalement que lorsqu’il est saisi par le président du conseil général, la question restant entière en ce qui concerne les signalements provenant des personnes travaillant au sein des organismes mentionnés à l’article L 226-3 CASF. Les protocoles prévoient en règle générale que le procureur de la République avise le président du conseil général des suites données aux signalements sans distinguer l’origine du signalement. Des fiches navettes entre le conseil général et le parquet ont été conçues dans la plupart des départements et sont souvent annexées au protocole. Un département a conçu un tableau de bord mensuel remis au bureau d’ordre du parquet pour récapituler les suites données par le procureur de la République.
Les protocoles reprennent également la disposition légale prévoyant que le procureur, saisi d’un signalement direct par une personne autre que les professionnels travaillant au sein des organismes mentionnés à l’art. L226-3 CASF, transmet au président du conseil général les « informations qui sont nécessaires à l’accomplissement de la mission de protection de l’enfance confiée à ce dernier ». L’article L226-4-II CASF prévoit cette transmission dans la
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mesure où il n’est pas prévu que ces personnes envoient le double du signalement au président du conseil général. Il appartient donc au procureur d’en aviser le conseil général, notamment en raison de sa mission de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes.
Toutefois, le principe du retour des informations au président du conseil général nécessaires à l’accomplissement de sa mission de protection de l’enfance est entendu de façon variable en fonction des protocoles. Pour la plupart, ce retour « redonne la main » au président du conseil général qui met en oeuvre ce qui lui parait nécessaire dans le cadre de sa mission. L’information provenant du parquet est alors traitée comme information préoccupante.
Cependant, certains protocoles envisagent la possibilité pour le procureur de la République de solliciter le président du conseil général pour obtenir des informations complémentaires sur l’enfant dont il aurait connaissance. Quelques départements envisagent de façon plus précise la possibilité que le procureur de la République sollicite le président du conseil général pour que soit réalisée une évaluation.
Aucun protocole n’anticipe en revanche les difficultés que peut poser la transmission de procédures pénales (enquêtes, auditions par les forces de l’ordre) au président du conseil général et la manière dont ces procédures circulent au sein des services du conseil général pour évaluation. Un département prévoit dans les missions de la cellule d’effectuer une synthèse des éléments transmis par le parquet.
Les relations entre le président du conseil général et les juges des enfants
La loi n°2007-293 du 5 mars 2007 a prévu les articulations entre le président du conseil général et l’autorité judiciaire au moment de l’entrée de la situation dans le dispositif de protection de l’enfance. C’est donc le procureur de la République qui est l’interlocuteur du conseil général sur ce point et non le juge des enfants. D’ailleurs, la subsidiarité de l’intervention judiciaire se construit autour de la saisine du procureur de la République, qui s’assure que la situation du mineur entre dans le champ de l’article L 226-4 du C.A.S.F. Le juge des enfants n’est pas nécessairement dans la même logique de subsidiarité (sauf à supprimer de fait la possibilité pour les parents de le saisir). Certains protocoles rappellent d’ailleurs que le juge des enfants peut être saisi par les parents, le tuteur, l’enfant lui-même ou la personne (ou le service) à qui l’enfant a été confié ou qu’il peut se saisir d’office. Mais du coup, comment articuler l’intervention du juge des enfants avec le processus de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes ?
Les protocoles abordent parfois cette question sous trois angles différents.
- Lorsque le juge des enfants est directement saisi, plusieurs protocoles prévoient qu’il doit aviser le président du conseil général des suites qu’il a donné à cette saisine, bien que la loi ne le précise pas. Quelques départements prévoient que le juge des enfants peut solliciter la cellule pour évaluation. Certains départements assimilent cette saisine à une information préoccupante et prévoient que le juge des enfants la fasse
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parvenir à la cellule pour traitement. Cette dernière possibilité se heurte à l’idée que préalablement à l’envoi de l’information préoccupante, le juge des enfants saisi par une autre personne que le procureur de la République doit préalablement fermer son dossier en assistance éducative, en motivant cette fermeture et qu’il ne peut pas le faire au seul motif qu’il envoie la situation au président du conseil général.
- L’article 12 de loi n°2007-293 du 5 mars 2007 est axé sur l’entrée dans le dispositif de protection de l’enfance par le recueil et le traitement des informations préoccupantes. Dans ce cadre, la loi envisage les articulations entre les services du conseil général et ceux du procureur de la République. Elle ne dit rien des articulations entre le conseil général et le juge des enfants. Toutefois, l’article R221-4 du CASF prévoit que « le juge des enfants, saisi en vertu des articles 375 à 375-8 du code civil, avise de l'ouverture de la procédure ou de l'instance modificative le président du conseil général. Le président du conseil général communique au juge des enfants les renseignements que possèdent ses services sur le mineur et sur la famille et lui fournit tous avis utiles ».
Certains départements ont donc repris cette disposition dans leur protocole. Une fiche navette avec le juge des enfants a parfois été conçue.
- Le dernier point traité par certains protocoles concerne la procédure à suivre lorsqu’une information préoccupante parvient au conseil général, alors que le juge des enfants est déjà saisi. Plusieurs départements prévoient de prévenir le juge des enfants (et de doubler d’une information au procureur de la République si l’information préoccupante repose sur l’existence probable d’une infraction pénale). Une copie est envoyée au service chargé de la mesure ou à l’inverse, l’information est envoyée au service avec copie au juge des enfants. Un département a prévu que le service chargé de la mesure judiciaire faisait l’évaluation et était associé à la décision du chef de service ASE.
Au-delà des aspects de circuit et de procédure relatifs aux informations préoccupantes, le principe de subsidiarité posé par la loi n°2007-293 du 5 mars 2007, qui s’impose au parquet, amène à penser de façon plus large la question de la complémentarité des interventions administratives et judiciaires. Il apparait à cet égard nécessaire de mener une réflexion sur ce que recouvre dans la pratique l’accord de la famille à une aide administrative et le recours à des démarches de contractualisation. Ce que sous-entend cette contractualisation pour qu’elle puisse être opérationnelle dans le cadre de la mesure n’est pas seulement l’accord de principe d’une famille sur l’intervention administrative mais la possibilité pour celle-ci d’un engagement dans une démarche de protection de l’enfant. Cette contractualisation est également sous tendue par le positionnement des professionnels notamment au moment de l’évaluation de la situation. Il s’agit donc d’une question complexe nécessitant une réflexion commune entre les professionnels de l’intervention administrative et ceux du système judiciaire.
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Il est à noter que les questions que soulève cette complémentarité vont se poser non seulement dans l’intervention en protection de l’enfance mais aussi dans le cadre de l’enfance délinquante. Le juge des enfants est de fait à l’articulation des prises en charges des enfants au pénal et en assistance éducative puisqu’il suit le mineur dans les deux cadres d’intervention du fait de la territorialisation de son activité. Il pouvait antérieurement solliciter les services de la protection judiciaire de la jeunesse pour assurer une continuité entre les prises en charge lorsque l’intervention au pénal précédait ou succédait à l’intervention en assistance éducative. Cependant, la subsidiarité de l’intervention judiciaire en protection de l’enfance et l’évolution des pratiques professionnelles afférentes ainsi que le recentrage opérationnel de la protection judiciaire de la jeunesse – dans l’exécution des mesures – sur le pénal, vont rendre nécessaire une réflexion partagée sur l’articulation entre l’intervention en protection de l’enfance du département et l’intervention judiciaire au pénal, que celles-ci se déploient simultanément ou successivement, au regard de l’enjeu de la continuité des prises en charge.
Le rôle de chef de file de la protection de l’enfance tenu par le président du conseil général, la réorganisation de la protection judiciaire de la jeunesse, les missions sans cesse plus importantes dévolues au parquet aboutissent, au-delà du champ couvert par les protocoles, à la redéfinition des places de chacun et à devoir penser les complémentarités des interventions de façon nouvelle.
1.6 Les relations entre les professionnels partenaires
Le retour d’information
Le retour d’information est prévu à plusieurs niveaux : au préoccupé, soit par la cellule, soit par le procureur de la République, mais aussi à la cellule par l’autorité judiciaire.
Sur le premier point, le code de l’action sociale et des familles prévoyait déjà depuis la loi n° 89-487 du 10.07.198916 que le président du conseil général informe les personnes qui lui ont communiqué des informations dont elle ont eu connaissance à l’occasion de l’exercice de leur activité professionnelle des suites qui leur ont été données. Cette même loi prévoyait également que, sur leur demande, le président du conseil général faisait savoir aux autres personnes l’ayant informé l’existence d’une suite17. La loi n°2007-293 du 5 mars 2007 a ajouté au premier cas de figure les personnes qui ont eu connaissance de la situation à l’occasion « d’un mandat électif »18.
16 Cf. Article 70 de cette loi.
17 Au même article 70 de la loi.
18 Art. L 226-5 du CASF : Le président du conseil général informe les personnes qui lui ont communiqué des informations dont elles ont eu connaissance à l’occasion de l’exercice de leur activité professionnelle ou d’un mandat électif des suites qui leur ont été données.
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Au delà du principe du retour d’information au préoccupé, certains protocoles envisagent de façon plus précise ce retour d’information. L’accusé réception s’entend d’un simple avis de réception de l’information. Un certain nombre de protocoles ne prévoit le retour que sous la forme de cet accusé réception, sans distinguer nécessairement si le préoccupé est un particulier ou un professionnel. Mais le retour d’information peut également comporter une information sur la décision prise (et notamment par exemple le service saisi de l’évaluation). Ce retour d’information est alors en règle générale, réservé aux professionnels.
Quelques protocoles précisent expressément que les professionnels ou élus à l’origine de l’information préoccupante sont avisés de la décision prise après évaluation. Ainsi, il est prévu un accusé réception à toute personne adressant une information préoccupante, qu’il s’agisse d’un professionnel ou d’un particulier. La suite donnée à cette information donne lieu en général à une information sur la décision prise dès lors que cela s’adresse à un professionnel ou à une personne élue.
De façon plus restrictive, un protocole prévoit d’informer les professionnels dans un délai de trois mois s’ils en font la demande expresse.
Enfin, la loi rappelle que le procureur de la République informe le signalant des suites réservées à son signalement, dans les conditions prévues à l’article 40-1 et 40-2 du code de procédure pénale, ce que quelques protocoles rappellent.
Les instances de concertation
De nombreux protocoles prévoient que les professionnels préoccupés par une situation peuvent s’adresser à la cellule afin d’en discuter avant d’adresser l’information préoccupante. La mission de « lieu ressource » dévolue à la cellule apparaît ainsi dans plus de la moitié des protocoles. Il convient de rappeler sur ce point que certains protocoles déclinent les missions de la cellule et son organisation et d’autres se sont centrés sur le circuit de l’information préoccupante sans aborder ni les missions ni l’organisation de la cellule. Le rôle de conseil de la cellule est donc probablement beaucoup plus fréquent que ce que les protocoles en traduisent19.
Ce rôle est essentiel pour harmoniser, sur un même territoire, les éléments d’inquiétude amenant les professionnels à transmettre une information préoccupante pour évaluation et détermination des actions de protection et d’aide dont le mineur et sa famille peuvent bénéficier.
Par ailleurs, deux protocoles prévoient la mise en place de réseaux locaux ; instance d’animation du dispositif enfance en danger, ces réseaux infra départementaux sont adaptés à
19 L’enquête sur les cellules réalisée en 2008 par l’O.N.E.D soulignait que 95% des dispositifs de centralisation du recueil des informations préoccupantes exercent un rôle de conseil auprès des professionnels (80% auprès du public).
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la configuration de chaque territoire et sont organisés en partenariat au vu des besoins repérés.
L’évaluation pluri institutionnelle
La question de l’évaluation est abordée dans les protocoles dans son aspect organisationnel dès lors que le protocole vise à définir le processus de recueil, de traitement et d’évaluation de l’information préoccupante. Ainsi, les protocoles définissent pour la plupart quelle est l’instance qui procède à l’évaluation distinguant l’analyse de premier niveau de l’évaluation proprement dite de la situation. Cette question – traitée dans le rapport annuel 2008 - ne sera pas abordée à partir de la lecture des protocoles. En revanche, certains protocoles précisent l’implication souhaitée par les partenaires dans le cadre de l’évaluation de la situation ce qui est directement en lien avec la cohérence des interventions autour de la famille. Les partenaires peuvent être ainsi requis pour évaluer la situation en amont de l’envoi de l’information préoccupante à la cellule (voir supra). Mais ils peuvent également être sollicités dans le cadre de l’évaluation demandée par la cellule. Ainsi certains départements prévoient que la cellule locale effectue l’évaluation avec les professionnels à l’origine de l’information préoccupante. Sans être aussi précis, d’autres départements préconisent une évaluation pluri institutionnelle.
Le partage des informations à caractère secret, outil de la cohérence
La recherche d’une cohérence entre les différentes interventions nécessite que les différents professionnels puissent communiquer les informations relatives à la situation de l’enfant et de sa famille. S’agissant d’une limite apportée au secret professionnel – garant des libertés individuelles et d’une relation d’aide ou de soin préservée- la loi précise que ce partage est « strictement limité à ce qui est nécessaire à l’accomplissement de la mission de protection de l’enfance ».
Environ les deux-tiers des protocoles rappellent la possibilité de ce partage d’informations. Certains énoncent simplement l’article L 226-2-2 du CASF sans commentaire. D’autres protocoles reprennent le principe du secret professionnel et indiquent comment le partage d’informations à caractère secret vient s’articuler avec ce principe. Ils reprennent alors les différents point de l’article L 226-2-2 du CASF en soulignant le caractère limité de la mise en oeuvre du partage d’informations à caractère secret du fait de son objectif (évaluer et mettre en oeuvre les actions de protection et d’aide) du contenu des informations (celles strictement nécessaire à l’accomplissement de la mission de protection de l’enfance) et de la procédure nécessaire (information des parents et de l’enfant).20
20 Le guide pratique « la cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation » édité par le ministère de la santé et des solidarités a constitué sur ce point une référence pour les départements explicitant la notion de partage d’informations à caractère secret. A signaler également les trois fiches élaborées par le groupe d’appui de la réforme, accessibles sur le site : www.reforme-enfance.fr
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1.7 La cohérence du parcours du sujet
Le protocole prévu par la loi du 5 mars 2007 est conçu comme un outil permettant une clarification du dispositif de centralisation des informations préoccupantes et d’articulation des institutions concernées par la protection de l’enfance. Ces éléments sont nécessaires pour que les réponses apportées à une situation d’enfant en danger ou en risque de l’être soient cohérentes, ce qui est un pré requis à la cohérence du parcours du sujet et au sens que ce dernier peut avoir de sa situation et de son évolution. Le protocole en tant que dispositif institutionnel n’a pas en principe pour vocation de se pencher directement sur la question du parcours du sujet. Toutefois, la lecture des protocoles montre que les départements ont apporté des réponses en ce qui concerne la place de la famille et de l’enfant dans le cadre du traitement des informations préoccupantes.
Mais les dispositions de la loi sur le protocole en font principalement un outil de régulation de l’entrée dans le dispositif de protection de l’enfance. Dès lors la question du parcours de l’enfant dans le temps et de la nécessaire cohérence des institutions entre elles autour de l’enfant et de sa famille n’est pas abordée dans le cadre des protocoles. Cependant, la question des articulations entre les partenaires dans la continuité de la prise en charge doit être posée, y compris si les protocoles n’ont pas ou ont peu abordé cette question. En effet, « l’outil protocole » pourrait permettre d’éviter certaines ruptures dans le parcours du sujet.
La place de la famille et de l’enfant
Certains protocoles rappellent dans leur préambule que la responsabilité première de l’éducation des enfants appartient aux parents. Quelques uns prévoient que la cellule est garante du respect des droits des enfants et des familles. Pour un département, les valeurs de référence du protocole sont l’intérêt de l’enfant mais également la valorisation des compétences parentales
De façon plus opérationnelle, la question de la place de la famille se retrouve à plusieurs niveaux. La place principale qui lui est donnée est au moment de son information concernant la transmission de l’information préoccupante.
Sur ce point, la loi n° 2007-293 dispose que « sauf intérêt contraire de l’enfant, le père, la mère, toute autre personne exerçant l’autorité parentale ou le tuteur sont préalablement informés de cette transmission, selon des modalités adaptées »21.
De fait, l’ensemble des protocoles reprend cette nécessité mais de façon plus ou moins appuyée. Certains protocoles posent le principe général selon lequel les parents sont avisés
21 Art.12 de la loi créant l’article L226-2-1 du CASF
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de l’envoi d’une information préoccupante à la cellule par celui qui informe, sauf intérêt contraire de l’enfant. La cellule est appelée à garantir parfois le droit des familles et des enfants « en inscrivant le principe du contradictoire dans ses procédures »
Cette nécessité est plus rarement rappelée en lien avec le principe du partage d’information qui n’est possible selon la loi qu’après en avoir informé la famille, en application de l’article L226-2 CASF. L’article 15 de la loi n°2007-293 du 5 mars 2007 prévoit que le père, la mère, toute personne exerçant l’autorité parentale, le tuteur, l’enfant en fonction de son âge et de sa maturité, sont préalablement informés selon les modalités adaptées, sauf si cette information est contraire à l’intérêt de l’enfant. L’enfant est d’ailleurs ajouté comme destinataire de l’information alors qu’il n’apparaît pas lors de la transmission de l’information préoccupante.
D’autres protocoles reprennent cette obligation légale en fonction de l’évolution du processus : lors de l’envoi de l’information préoccupante, lors de la réception de l’information préoccupante (information de la façon dont l’information préoccupante va être traitée lors des concertations), lors du signalement à l’autorité judiciaire. Tous ne précisent pas qui est chargé de cette information à la famille ni la forme qu’elle doit prendre. En ce qui concerne la transmission de l’information préoccupante, il est parfois prévu que le professionnel en avise la famille lors d’un entretien et par un écrit. Certains protocoles prévoient que lors du signalement judiciaire, l’information se fera par le président du conseil général par écrit (ce que prévoyait la loi n° 89-487 du 10.07.198922). L’écrit peut être également préconisé lors de toute décision prise par la cellule.
La notion « d’intérêt de l’enfant » est parfois précisée : il s’agit en règle générale de la situation de danger dans laquelle pourrait se trouver l’enfant si l’information était faite aux détenteurs de l’autorité parentale. Il est parfois rappelé que l’appréciation de l’intérêt de l’enfant doit se faire le plus strictement possible.
Lorsque les faits peuvent constituer une infraction pénale, l’information aux détenteurs de l’autorité parentale peut également ne pas intervenir, soit que cette information serait contraire à l’intérêt de l’enfant (risque de pressions ou de représailles), soit que cette information entraverait l’enquête pénale.
Mais là encore, les protocoles préconisent différentes solutions : l’information est simplement différée ou elle revient au procureur de la République, ou encore l’accord de ce dernier est préalablement sollicité ou enfin un accord est pris avec les services de police ou de gendarmerie pour préciser les éléments d’informations qui peuvent être transmis à la famille.
Les éléments concernant l’information faite aux familles peuvent aller plus loin et s’intégrer dans les droits des usagers de façon plus générale ; ainsi, un protocole prévoit que les parents sont non seulement avisés de la réunion de synthèse, mais qu’ils prendront connaissance des
22 à l’article L 226-4 du CASF.
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écrits (sauf si cela risque de mettre en danger l’enfant, un parent ou le professionnel concerné ou de compromettre une enquête judiciaire) ; d’autres prévoient que la famille aura connaissance du contenu de l’évaluation. Par ailleurs, la famille peut consulter son dossier auprès de la cellule tant que l’autorité judiciaire n’est pas saisie. Un protocole rappelle que le dossier administratif obéit au droit commun des documents administratifs (loi n° 78-753 du 17 juillet 1978) et rappelle de la même façon le principe de la communication des dossiers en assistance éducative (décret n° 2002-361 du 15 mars 2002). Un autre protocole prévoit que les parents sont avisés du traitement informatique des informations préoccupantes et de leur droit d’accès et de rectification des données (loi n° 78-17 du 6.01.1978 relative à l’informatique et aux libertés).
Mais la question de l’information des familles peut être mêlée de façon plus dynamique avec celle de l’évaluation. L’information orale, dans le cadre d’un entretien, peut alors être privilégiée. L’un des protocoles le traduit ainsi : « l’information des détenteurs de l’autorité parentale – complète et respectueuse – doit permettre de débuter une évaluation dans la transparence et de rechercher la collaboration à la mise en oeuvre des actions de protection ».
Ainsi se pose la question de la place de la famille dans le cadre de l’évaluation. Peu de protocoles abordent cette question dans le détail. Toutefois, un protocole souligne la nécessité de rechercher la mobilisation des parents à chaque étape de prise en charge de l’information préoccupante. Un autre propose de rechercher la collaboration des parents et de rechercher leur implication à l’occasion de l’évaluation. Un autre protocole souligne l’importance d’associer les parents si possible aux mesures d’aide et de soutien et de recueillir leur adhésion. L’information faite aux parents, l’évaluation de la situation avec eux permet de travailler la question des besoins de leurs enfants et en conséquence de rechercher leur participation et leur accord à la mise en oeuvre d’une mesure administrative si elle est nécessaire.
Cette place faite aux parents et au mineur dans le cadre de l’évaluation constitue un des axes essentiels du guide technique précité concernant la cellule : ce guide insiste à plusieurs reprises sur la place de la famille en proposant lors de l’évaluation de « rechercher l’implication des parents et du mineur s’il est en capacité », « apprécier le niveau de prise de conscience des parents concernant les difficultés rencontrées par leurs enfants », « préciser la place donnée aux personnes dont la situation est évaluée dans le processus d’évaluation et de restitution de celle-ci », « l’examen de la situation de l’enfant doit être un moment d’expression des points de vue de chacun des membres de la famille ainsi que celle de l’enfant lui-même. L’expression de chaque personne doit être encouragée et prise en compte », « une écoute, un dialogue avec les parents et non une interrogation visant à recueillir des aveux est indispensable »…
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La cohérence du parcours de l’enfant et la cohérence des interventions accompagnant ce parcours
La question de la cohérence des interventions se situe lors de l’entrée dans le dispositif de protection de l’enfance et notamment lors d’un signalement. En effet, l’articulation des interventions administratives et judiciaires n’est pas simple et à fortiori l’articulation des procédures en protection de l’enfance et sur le plan pénal. Au-delà, se pose la question de la cohérence des interventions dans la continuité de la prise en charge. Centré par la loi du 5 mars 2007 autour du recueil, du traitement et de l’évaluation des informations préoccupantes, le protocole n’a en principe pas vocation à déterminer des procédures permettant cette cohérence dans le parcours de l’enfant.
Effet de la concurrence des interventions sur le parcours de l’enfant
Il est apparu à la lecture des protocoles que l’absence de clarification entre saisine de l’autorité judiciaire au titre du pénal et saisine au titre de la protection de l’enfance pouvait amener des ruptures dans le suivi de l’enfant. Aussi certains départements ont tenté de préserver la protection de l’enfant malgré la saisine de l’autorité judiciaire.
Ainsi, un des protocoles souligne que « une enquête pénale éventuelle ou en cours n’empêche pas le service de l’ASE de mettre en place immédiatement une mesure administrative de prévention ou de protection si les parents acceptent de coopérer alors même que le juge des enfants n’a pas été saisi ».
De même, un protocole envisage la situation dans laquelle le procureur de la République estime ne pas mener concomitamment à l’action pénale une action civile en assistance éducative : « en l’absence d’une telle décision, et si nécessaire, une procédure de traitement de l’information peut être mise en place dans le cadre des compétences de la protection de l’enfance du Conseil Général. Cette intervention ne doit pas être mise en place immédiatement si elle risque de nuire au bon déroulement de l’enquête pénale ».
Un autre protocole prévoit que « par principe, le signalant et/ou les intervenants professionnels qui exerçaient une action d’accompagnement continuent leur action auprès de la famille et du (ou des) mineur(s) concerné(s). Ils sont informés par l’autorité judiciaire des suites données au signalement et des réserves que cela peut entraîner dans leur activité professionnelle quotidienne pour ne pas nuire au bon déroulement des investigations judiciaires. (…) L’intervention de la cellule d’évaluation des situations d’enfants en danger cesse dès qu’une décision de protection est prise par l’autorité administrative ou judiciaire, et ce sont les professionnels chargés de l’exécution de la mesure qui prennent le relais ».
Ces dispositions ont l’avantage de concevoir une articulation au-delà du jour du signalement et de tenter d’articuler les temps différents de l’intervention pénale et de l’intervention en protection de l’enfance. En effet, l’incidence de l’existence d’une procédure pénale sur la protection de l’enfance est importante : la nécessité d’articulation demeure au moins le
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temps de l’enquête et des accords pourraient être pensés au-delà de savoir à quel moment on avise la famille de l’existence d’un signalement.
Quels protocoles pour garantir quelle continuité du parcours ?
La question de la cohérence des interventions des différents partenaires qui interviennent autour d’un mineur et de sa famille ne se pose pas qu’à l’occasion du traitement de l’information préoccupante. Ainsi, plusieurs points de passage entre les institutions peuvent être source de ruptures dans le parcours de l’enfant. Il en est ainsi par exemple du passage d’une prise en charge administrative à une mesure judiciaire, et inversement, de l’articulation des mesures en protection de l’enfance et en délinquance. De même la gestion de l’urgence, y compris en cours de prise en charge, nécessite une réflexion partagée et des processus de travail particuliers afin que les changements ne fassent pas rupture dans le parcours de l’enfant.
Les modalités de travail et la répartition des rôles entre les institutions en cas d’intervenants multiples sont souvent complexes et source de difficultés. La rédaction de protocole peut permettre d’asseoir le cadre d’intervention. Ainsi, un département ayant mis en place un protocole bilatéral entre le conseil général et les lieux d’hébergement a envisagé le rôle de chacun dans l’élaboration du projet pour l’enfant et les articulations de ce projet avec le document individuel de prise en charge (DIPC). Ce protocole est également l’occasion de mettre en place une coordination des placements judiciaires directs au titre de l’action éducative (envoi de copie des rapports de situation au responsable de circonscription concerné).
S’ils paraissent essentiels pour formaliser les partenariats et les circuits, il paraît important que les protocoles demeurent des supports vivants permettant une réelle dynamique de travail qui se construit dans le temps.
2. Continuité du parcours et projet pour l’enfant
Un autre éclairage de la cohérence et de la continuité des parcours peut être donné par l’étude du projet pour l’enfant. Ce nouvel outil, introduit à l’article L223-1 du CASF par l’article 19 de la loi n° 2007-293 du 5 mars 200723, peut-il constituer un support pour aider
23 Tout au long de cette partie, nous ferons référence à l’article 19 de la loi 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance qui complète l’article L.223-1 du CASF par 4 alinéas, dont les 2 suivants concernent le projet pour l’enfant :
« Les services départementaux et les titulaires de l’autorité parentale établissent un document intitulé « projet pour l’enfant » qui précise les actions qui seront menées auprès de l’enfant, des parents et de son environnement, le rôle des parents, les objectifs visés et les délais de leur mise en oeuvre. Il mentionne l’institution et la personne chargées d’assurer la cohérence et la continuité des interventions. Ce document est cosigné par le président du conseil général et les représentants légaux du mineur ainsi que par un responsable de chacun des organismes chargés de mettre en oeuvre les interventions. Il est porté à la connaissance du mineur et, pour l’application de l’article L. 223-3-1, transmis au juge ».
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les intervenants à penser le parcours des enfants ? Après avoir examiné quels sont les enjeux de la continuité dans le champ de la protection de l’enfance, nous verrons dans quelle mesure le contenu et l’utilisation du projet pour l’enfant peuvent aider à mettre en oeuvre continuité et cohérence dans les interventions24.
2.1 Les enjeux de la continuité
L’introduction dans la loi d’un projet pour l’enfant relie précisément ce nouvel outil à une recherche de cohérence et de continuité des interventions, à travers la désignation d’une personne spécifiquement chargée de ces objectifs (cf art. L 223-1 du CASF précité). Nous avons vu que la recherche d’une continuité de vie pour l’enfant concerné par une mesure de protection est inscrite dans la CIDE25. Ce principe est également inscrit dans la recommandation adoptée le 16 mars 2005 par le comité des ministres du conseil de l’Europe relative aux droits des enfants vivant en institution, qui prévoit : « lorsque le retour de l’enfant dans sa famille n’est pas possible, d’autres prises en charge ou la poursuite de la mesure de placement doivent être envisagées en tenant compte des souhaits et de la continuité du parcours de l’enfant, de son épanouissement et de ses besoins propres ». Plusieurs approches théoriques ont conduit à l’importance grandissante accordée à ces critères.
Continuité des soins et des interventions
La problématique de la continuité des soins a été historiquement travaillée dans le champ de la santé mentale. Elle est abordée à travers le prisme de la liaison entre les différentes instances d’intervention qui lorsqu’elle fait défaut aurait pour conséquence la fragmentation et la discontinuité des soins. Dans cette même dimension, les différents travaux dans ce domaine évoquent la participation des usagers au processus de prise de décision ou le recueil de la parole des usagers comme leviers d’amélioration de la continuité des soins (Clément & al., 2003 ; Aubé & al., 2003). De par leurs observations, les auteurs relèvent un cloisonnement des acteurs et la présence de logiques de soins différentes qui doivent être dépassées par l’engagement et la persévérance des intervenants.
« Sur la base des informations dont il dispose, le président du conseil général veille à assurer le suivi et, dans la mesure du possible, la continuité des interventions mises en oeuvre pour un enfant et sa famille au titre de la protection de l’enfance ».
24 Cette partie du rapport propose une analyse dynamique de l’état des lieux de mise en place du projet pour l’enfant réalisé au 1er semestre 2009 par l’ONED qui a abouti à un rapport (Le projet pour l’enfant : état des lieux dans 35 départements au premier semestre 2009 disponible sur le site www.oned.gouv.fr). Il s’agit ici de mettre en perspective les informations recueillies avec la problématique du parcours des enfants en protection de l’enfance.
25 Cf article 20 de la CIDE op.cité page 2
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Même si nous disposons de peu de définition consensuelle et/ou opérationnelle, Clément et ses collaborateurs (2003) ont identifié plusieurs dimensions de la continuité : l’accès aux soins (qui recouvre la disponibilité, l’accessibilité, l’adéquation, l’acceptabilité), la longitudinalité, l’inter-sectorialité, la flexibilité, l’individualité, la participation, la relation fiable et le transfert d’informations. Autant de dimensions qui peuvent avoir une résonnance dans le champ de la protection de l’enfance.
Continuité des liens et de l’action éducative : l’apport de la théorie de l’attachement
En protection de l’enfance, Yvon Gauthier26, professeur émérite et pédopsychiatre, approche la question de la continuité à travers la continuité des liens pour l’enfant sur la base des fondements de la théorie de l’attachement (voir encadré ci-après). Prenant appui sur les expériences de soins apportées à la clinique de l’attachement qu’il a fondée, il observe que le manque de continuité, qu’il associe parfois à la réintégration d’un enfant dans son milieu naturel après une absence prolongée ou au déplacement d’une famille à une autre, engendre des séquelles sur les plans du comportement et de la personnalité de l’enfant.
26 Yvon Gauthier professeur de psychiatrie, pédopsychiatre à l’hôpital Sainte Justine à Montréal, a créé avec deux collègues pédiatres la clinique de l’attachement qui offre aux familles et aux intervenants des Centres Jeunesse une consultation spécifique pour les enfants de 0 à 6 ans présentant de graves troubles du comportement.
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L’apport de la théorie de l’attachement
Lors de l’élaboration de la théorie de l’attachement, Bowlby (1969) présente l’attachement comme un besoin primaire de l’enfant se traduisant par des comportements d’attachement en interaction avec les réponses de la figure d’attachement (la mère principalement). L’enfant développerait un attachement sécure lorsque la figure d’attachement répond de façon adaptée à ses besoins de réassurance, de réconfort, en étant sensible, disponible et stable (Ainsworth, 1989 ; Main, 1998). Depuis la critique de monotropie adressée à Bowlby, avec les travaux sur le père comme figure d’attachement non plus secondaire mais au même titre que la mère (Lamb & al., 1982 ; Dubeau & Moss, 1998 ; Le Camus, 1995), les travaux sur les puéricultrices de crèche comme pouvant compenser un attachement insécure (Pierrehumbert & al., 1988 ; Guedeney & al, 2004), l’existence d’attachements multiples chez l’enfant n’est plus à prouver. Toutefois, des précisions s’avèrent nécessaires notamment lorsque cet élément théorique est adapté à la situation des enfants protégés et accueillis.
La multiplicité des figures permet de sortir de l’exclusivité d’attachement à la mère et non de promouvoir l’infini des adultes significatifs ou des lieux de vie de l’enfant. En effet, malgré cette possible multiplicité, la théorie de l’attachement pose comme fondement à la constitution de la personnalité affective et sociale de l’enfant, la stabilité de la figure d’attachement identifiée comme repère intemporel, inflexible et intangible par l’enfant. Sans cette certitude d’existence éprouvée, l’enfant ne peut développer un attachement qualifié de « sécure ».
Un consensus émerge aujourd’hui autour de la conception selon laquelle un enfant accueilli peut développer de nouveaux liens d’attachement significatifs de qualité différente des précédents et en complément de ceux-ci sous réserve que certaines conditions soient réunies telles que le comportement du professionnel (disponible, sensible, stable et autorisé par l’institution), la capacité et la disponibilité psychique de l’enfant, le contexte d’accueil qui permette l’investissement réciproque et le consentement psychologique des premières figures d’attachement (souvent les parents).
Ainsi, la multiplicité d’attachement, terminologie usitée dans la théorie, est à entendre comme limitée et constructive : limitée par le fait que les figures d’attachement de l’enfant sont sélectionnées par lui-même et ne sont pas infinies, et constructive au regard de la nécessité de maintien des liens et d’une complémentarité entre les liens. Il ne s’agit pas d’une succession de liens les uns à la suite des autres, de façon indépendante, automatique, exclusive et interchangeable. Les apports de cette théorie à la protection de l’enfance sont riches même s’ils sont peu appliqués.
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La continuité : un équilibre entre permanence et stabilité
L’intrication entre les notions de continuité et de stabilité mais aussi avec celle de cohérence s’avère complexe. La stabilité est présentée de façon unanime par les résultats de recherche et les observations cliniques, comme favorable au développement de l’enfant (Harden, 2004) et comme facilitatrice pour la transition vers l’âge adulte (Cashmore & Paxton, 1996).
La promotion de la stabilité et de la continuité a dès le départ été associée au fait de fixer des objectifs et des échéances des interventions (Maluccio & al., 1986 ; Thoburn, 1994). Selon les canadiens, la permanence engloberait la stabilité (Léveillé & Crockford, 2004).
Les changements politiques et législatifs, notamment aux Etats-Unis, au Québec et en Angleterre ont amené le concept de permanence comme un lieu de vie permanent pour l’enfant protégé quand le retour dans sa famille est jugé impossible (Parkinson, 2003). La permanence peut être entendue selon trois aspects : physique, relationnel et légal (Barber & Delfabbro, 2005).
Au Québec, la loi de la protection de la jeunesse (adoptée pour la première fois en 1977 puis amendée en 1984, 1994 et 2006) précise que chaque décision prise pour les enfants en haut risque d’abandon doit prendre en compte prioritairement la stabilité et l’attachement. Par conséquent, dans une situation où une rupture de la continuité des liens est probable, la mission des intervenants est d’élaborer un projet de vie à long terme pour l’enfant pour pallier l’ambivalence ou le manque d’ancrage affectif de l’enfant. La loi de la protection de la jeunesse recommande que la durée d’un premier placement n’excède pas un certain délai fixé en fonction de l’âge de l’enfant. A l’expiration du délai, si la sécurité ou le développement de l’enfant est toujours compromis, le directeur de la protection de la jeunesse devra saisir le tribunal pour obtenir une décision qui favorisera la continuité des soins et la stabilité des liens et des conditions de vie de l’enfant dans la perspective d’un projet de vie permanent, à moins qu’un projet de retour de l’enfant dans son milieu familial soit possible à court terme.
Les différentes possibilités d’orientation vers un projet de vie permanent sont au nombre de quatre (Montambault & al, 2005) :
o Le maintien ou le retour de l’enfant dans son environnement naturel ;
o Diriger l’enfant vers l’adoption ou une nouvelle filiation pour le bien de son attachement (l’adoption ouverte, singulière, banque-mixte) ;
o Décider de confier l’enfant à un membre de la famille ;
o Maintenir l’enfant pour une longue période en accueil familial.
Depuis la loi du 5 mars 2007, le dispositif français de protection de l’enfance réformé relie l’intérêt de l’enfant à la stabilité des liens affectifs de l’enfant bénéficiant d’une mesure de protection : l’aide sociale à l’enfance doit notamment « veiller à ce que les liens
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d'attachement noués par l'enfant avec d'autres personnes que ses parents soient maintenus, voire développés, dans son intérêt supérieur » (article L 221-1 du CASF). Ainsi, la nouvelle loi veille à assurer une continuité de vie, dans la lignée des travaux sur l’attachement qui nous ont appris que la sécurité affective constitue un élément important de la construction et du développement du jeune enfant.
De même, une modification de l’article 375 du Code Civil ouvre la possibilité que l’enfant pris en charge soit confié pour une durée supérieure à deux ans, lorsque ses parents présentent des difficultés relationnelles et éducatives graves, sévères et chroniques, affectant durablement leurs compétences dans l’exercice de leurs responsabilités parentales, et ce afin de permettre à cet enfant de « bénéficier d’une continuité relationnelle, affective et géographique dans son lieu de vie dès lors qu’il est adapté à ses besoins immédiats et à venir ».
Cette approche de la stabilité des liens n’amène pas à envisager une approche « projet de vie permanent » comme au Québec ou en Australie qui peut se traduire par des décisions à long terme ou de planification. Le droit français de la protection de l’enfance est en tension entre deux approches : une continuité référée au maintien des liens avec la famille d’origine et une continuité conçue comme le maintien de la stabilité des liens construits par l’enfant durant l’accueil avec des référents autres que les parents. Cela a des incidences sur les pratiques d’accompagnement de l’enfant et de sa famille et sur la manière de penser la permanence d’un projet de vie.
Accompagner le changement, éviter les ruptures
De nombreux pays ont pu constater des échecs de leur protection sociale à plusieurs niveaux : lorsque des enfants n’ont pas été protégés suffisamment tôt, lorsque les mesures de prévention n’ont pas suffi, lorsque des prises en charge échouent (avec des déplacements itératifs, des échecs répétés), lorsque le retour en famille est un échec (qui remet l’enfant dans le circuit de la protection), lorsque des enfants adoptés se retrouvent pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance, etc… Par exemple, en Espagne, 21% des enfants connaissent une interruption ou une rupture d’accueil (del Valle, 2008). De même, en Flandre, sur 100 enfants protégés âgés de 8 ans en moyenne, 57 ont connu une rupture et pour la moitié elle a eu lieu au bout de 34 mois en moyenne.
D’après Vanderfaeillie (2008), le nombre de rupture d’accueil est internationalement estimé entre 25 et 50%. Il explique ce chiffre élevé par un service offert non adapté aux besoins et aux demandes des familles en difficulté, de façon plus précise par un manque de solutions alternatives.
De nombreuses disciplines ont tenté de définir la rupture différemment de la séparation ou du changement. Et c’est d’ailleurs la différenciation d’avec ces autres notions qui nous préoccupe ici. D’un point de vue psychologique, la rupture peut être rapprochée d’un évènement traumatique qui n’a pas donné lieu à une mise en sens, qui n’a pas été
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accompagné et qui est vécu sur le mode de la souffrance et fait trace dans l’histoire de vie. A contrario, la séparation est intrinsèque à la vie du sujet et ce dès le début avec de nombreux processus tels que la séparation-individuation (Mahler, 1980), mais aussi la séparation selon la théorie de l’attachement (Bowlby). La séparation peut faire rupture tout comme elle peut être structurante parce qu’aussi fondatrice de la subjectivité de l’individu. Ces postulats adaptés à la protection de l’enfance peuvent apporter un éclairage particulier aux notions de cohérence et de continuité qui par conséquent sont à conjuguer avec la dynamique de changement.
Toutefois la capacité à assurer une continuité de vie pour un enfant tend à entrer dans les critères d’évaluation de la qualité des dispositifs de protection. Au Québec, la matrice d’indicateurs d’évaluation de la protection de la jeunesse, destinée à aider les gestionnaires et décideurs à prendre les décisions de programmes et de politiques dans le champ, inclut dix indicateurs constituant des mesures indirectes du bien-être des enfants recevant des services de protection. Parmi eux figure un indicateur de permanence : il vise entre autres à mesurer le nombre de déplacements vécus, pendant une période donnée, par les enfants confiés (Trocmé et al, 2009). En France, le livret d’information pour les acteurs de la protection de l’enfance sur « La qualité et son évaluation » propose de s’intéresser notamment à la motivation et à la procédure des réorientations d’un enfant ainsi qu’à leur fréquence et à l’accompagnement des temps de passage, à partir d’un principe de continuité/cohérence défini comme suit : « Ce principe précise l’importance d’assurer à l’enfant une continuité dans sa vie et dans son histoire, qu’il s’agisse de sa vie quotidienne ou des étapes des actions menées. Il conforte la nécessité d’une cohérence institutionnelle et d’une stabilité de l’environnement de l’enfant »27.
La stabilité n’est pas à opposer au changement. Concevoir la continuité et la cohérence du parcours des enfants accueillis ne signifie pas exclusivité d’un lieu de vie, d’un lien affectif ou d’une intervention, mais continuité et cohérence du sens du parcours au regard de sa singularité.
Il s’agit comme indiqué précédemment de différencier rupture subie traumatique de séparation nécessaire pour le sujet. La permanence est le lien entre le passé, le présent et le futur. Ce qui est permanent pour un enfant, c’est le sens qu’il a de lui-même. C’est par son histoire passée qu’il définit qui il est présentement et c’est par ses projets de vie qu’il se projette dans l’avenir. Dans cette perspective, nous allons examiner comment le projet pour l’enfant prévu par la loi de 2007 peut être au service du parcours de l’enfant.
2.2. Le projet pour l’enfant, un nouvel outil pour le parcours ?
Dans le champ de l’aide sociale, la notion de projet apparaît tardivement en prenant appui sur les avancées dans les autres domaines (éducation et handicap). Plusieurs articles de loi
27 Livret d’information pour les acteurs de la protection de l’enfance – La qualité et son évaluation, éléments de réflexion – DGAS décembre 2005
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ont intégré cette terminologie en lien avec des évolutions plus générales. Ainsi la loi n° 2002-2 du 2.01.2002 instaure la nécessité, sur le plan collectif, que chaque établissement médico-social réalise un projet d’établissement et un projet éducatif. Au niveau de l’accompagnement individuel, le Document Individuel de Prise en Charge (DIPC) est introduit dans cette même loi pour chaque enfant.
En protection de l’enfance, c’est la loi du 5 mars 2007 qui introduit le projet pour l’enfant dans le CASF. Dans l’avant projet de loi initial, il s’agissait d’un « document d’engagements réciproques » puis au fil des débats cet outil a été nommé « projet pour l’enfant »28.
L’introduction de ce projet pour l’enfant s’inscrit dans différentes évolutions. Tout d’abord, il se situe dans la tendance à l’individualisation des prises en charge qui a été amorcée par la loi de 2002 et approfondie par celle de 2007. Par ailleurs, ce projet individuel qui recueille un ensemble d’informations se présente comme nécessaire au regard de la démultiplication des prestations, des mesures et des intervenants. Il permet également d’articuler l’intervention en protection de l’enfance avec les acteurs de droit commun qui participent à la vie de l’enfant. Inscrit dans une temporalité, le projet pour l’enfant tel qu’il est conçu permettra-t-il réellement de construire le parcours dans la cohérence et la stabilité nécessaire au développement de l’enfant ? C’est à travers l’étude de la mise en oeuvre des projets pour l’enfant et les questions qu’elle soulève que nous pourrons voir les forces et les limites de cet outil. En effet, la mise en place du projet pour l’enfant vient questionner différentes pratiques et conceptions en protection de l’enfance.
L’usage fait du projet pour l’enfant
Il ressort de l’état des lieux mené sur la mise en place du projet pour l’enfant29, en tenant compte du contexte organisationnel, que les institutions inscrivent le projet pour l’enfant dans des axes de travail variés pour le rendre fécond, à savoir dans le cadre d’une réflexion administrative et/ou d’une approche socio-éducative. Il peut en effet être utilisé principalement comme un support administratif, reprenant et centralisant un certain nombre d’éléments concernant l’enfant et sa famille ainsi que la prise en charge. Il peut également s’intégrer dans une réflexion plus large sur le plan socio-éducatif. C’est à partir des modalités de conception et de mise en oeuvre du projet que la dimension plus ou moins dynamique de l’outil apparaît. Ainsi, la rédaction du projet pour l’enfant peut être réalisée par une personne seule ou au contraire être l’aboutissement de réunions éventuellement avec les partenaires extérieurs, voire les parents. Parfois, les réunions permettent de valider un projet déjà construit ; mais elles peuvent être l’occasion d’une réelle co-construction du projet pour l’enfant.
28 Article 19 de la loi du 5.03.2007 et L 223-1 du CASF.
29 Op.cité cf note de bas de page n°24
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Qu’il soit utilisé plutôt comme outil administratif, ou en tant que support de l’action éducative, le projet pour l’enfant apparait d’un côté comme un outil d’optimisation des ressources qui peut être au bénéfice de chacun mais nécessite précaution et attention, et d’un autre côté comme un outil d’ouverture sur le réseau autour de l’enfant et de sa famille. Il peut en outre répondre à un besoin de cadre institutionnel ou bien s’inscrire dans une évolution de la conception du sujet en protection de l’enfance. Il pose ainsi la limite de la cohérence des interventions lorsqu’elle ne vient pas servir la cohérence du parcours et de l’histoire de l’enfant.
Est alors posée une question fondamentale sur la place du projet pour l’enfant dans le choix et la mise en oeuvre de la mesure éducative selon les objectifs qui lui sont assignés. Ce projet peut-il intervenir en amont du choix de la mesure, juste après l’évaluation ? Comment peut-il être introduit et devenir une étape incontournable du déroulement d’une mesure ? Cette question est centrale dans son articulation avec la décision judiciaire.
L’articulation avec la décision de justice
La loi n°2007-293 du 5 mars 2007 n’a pas prévu expressément d’articulation entre le projet pour l’enfant et la décision judiciaire qui ordonne la mesure. Elle a uniquement prévu que le juge des enfants est destinataire du projet pour l’enfant lorsqu’il décide que les conditions d’exercice du droit de visite et d’hébergement des parents sont déterminées conjointement entre le service et les parents. Ainsi, la loi ne prévoit que la communication du document et qui plus est dans un seul cas de figure. Toutefois, la question du lien entre le projet pour l’enfant et les mesures judiciaires reste essentielle, non seulement en ce qui concerne la connaissance que devrait en avoir le juge des enfants, mais également au niveau de l’élaboration et du contenu du projet pour l’enfant. Dans quelle mesure la décision du juge sert-elle d’appui au projet pour l’enfant? La décision judiciaire s’inscrit –elle dans le projet pour l’enfant ou en est-elle à l’origine ? Comment la décision judiciaire est-elle intégrée à la co-construction du projet pour l’enfant alors que c’est le président du conseil général qui est garant de la continuité des interventions ? Cette question soulève également la question des champs de compétence du juge pour enfants et des professionnels et institutions chargés de la mise en oeuvre de la mesure.
La mobilisation du partenariat
Le partenariat concerne à la fois les modalités d’intervention mais aussi l’identification du rôle de chacun des acteurs. Le projet pour l’enfant, à travers sa formalisation et ses objectifs, peut être considéré notamment comme un plan d’action et de coordination des interventions. Il peut s’agir de la mobilisation de l’ensemble des partenaires du champ dès les travaux de réflexion sur le document type mais aussi lors du renseignement du projet pour chaque situation singulière.
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Le souci de cohérence et de continuité présent dans la disposition relative au projet pour l’enfant30, devenu d’autant plus indispensable en raison de la multiplicité des mesures et des intervenants, doit être mis en perspective avec le partenariat. Il s’agit d’arriver à articuler de nombreuses informations et actions de différents niveaux. Le projet pour l’enfant suffit-il à lui seul à remplir cet objectif ? Il y concourt, ainsi que le référent de continuité prévu par le même texte, certains départements plaçant d’ailleurs ce dernier dès l’élaboration du projet pour l’enfant.
En termes éducatifs, le projet pour l’enfant amène chacun à se questionner sur la place laissée à l’autre professionnel du point de vue des objectifs et de l’action, il permet une délimitation des compétences, un repérage des acteurs et une définition de la répartition des rôles, notamment dans l’évaluation mais aussi dans la prise en charge.
L’articulation avec les autres documents
Plusieurs documents préexistent à la loi du 5 mars 2007 concernant la prise en charge individuelle de l’enfant, qu’ils soient administratifs ou contractuels. La question est en conséquence de savoir comment le projet pour l’enfant s’articule avec ces documents, et notamment le DIPC prévu par la loi n°2002-2, le contrat d’accueil avec l’assistante familiale (article L 421-16 du CASF) ou les documents à usage interne aux lieux d’accueil. Ces articulations sont d’autant plus complexes que la temporalité de leur rédaction ne sont pas nécessairement les mêmes, les signataires non plus et que le projet pour enfant doit être conçu de façon évolutive. La recherche de cohérence dans la prise en charge de l’enfant passe déjà par une mise en cohérence de ces documents.
La place des parents et de l’enfant
Le projet pour l’enfant, de par son appellation, se centre sur l’enfant. Toutefois, le travail avec les parents, au-delà de la considération de leur autorité parentale, est aujourd’hui une donnée incontournable de la prise en charge éducative et prend appui sur de multiples arguments issus de la littérature et de la pratique de l’intervention.
Les travaux de recherche démontrent combien le conflit (ou même la distance) entre les personnes qui éduquent l’enfant a des effets sur ce dernier et soulignent l’importance de travailler avec les parents en tant que co-éducateurs. Plus précisément, le travail avec les parents, au-delà d’une implication physique dans la mesure éducative, est aussi constitué des représentations et des images que les professionnels développent à leur sujet31.
30 cf art. L 223-1 du CASF précité
31 Sur toutes ces questions, voir notamment Le troisième rapport annuel au parlement et au gouvernement de l’Oned -décembre 2007
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Le projet pour l’enfant vient prendre appui sur ces éléments pour se présenter comme le support d’un possible autre rapport à l’enfant et à sa famille32. Ce nouvel outil peut offrir un cadre de coopération et de co-éducation entre parent et professionnel et un support d’intervention et de travail éducatif.
Au niveau de son utilisation, la place des parents est mise en exergue à travers les différentes options prises dans les départements concernant sa présentation aux parents, la participation des parents au renseignement de l’outil, l’expression de leurs souhaits ou remarques.
En ce qui concerne l’enfant, il s’agit toutefois de s’interroger sur la place réelle qui lui est accordée que ce soit dans ce document mais également dans la démarche éducative. La prise en compte de l’enfant commence par la considération de son développement, de son intérêt et de ses besoins. Ici se situe l’enjeu psycho-social du projet pour l’enfant, qui est de considérer l’enfant dans une perspective dynamique.
Mais dans une perspective plus sociopolitique, on peut également affirmer que l’enjeu du projet pour l’enfant est la prise en compte de sa parole et de son avis sur sa situation et sur l’aide souhaitée. Rappelons que depuis la loi du 6 juin 1984, il est spécifié que le service examine avec le mineur toute décision le concernant et recueille son avis33, et ce quel que soit son âge.
Comme indiqué précédemment, la loi n°2007-293 du 5 mars 2007 prévoit conformément à la CIDE que « toute décision concernant l’enfant doit être désormais guidée par son intérêt, la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques, intellectuels, sociaux et affectifs ainsi que par le respect de ses droits »34 (article L112-4 CASF)
Toutefois, nos observations sur les projets mis en place dans les départements nous amènent à remarquer que la place de l’enfant peut être compromise, et ce de façon directe et/ou indirecte. Ses besoins sont peu examinés et notés d’une part, et son avis et sa signature sont peu recueillis d’autre part. Parfois l’effet écran de la notion du discernement, à laquelle se réfèrent certains documents, vient justifier l’absence de participation de l’enfant. Mais pour juger du discernement de l’enfant encore faudrait-il le rencontrer. De plus, il est moins important d’insister sur les capacités de discernement des enfants ou leur manque de rationalité que de comprendre comment les actes qu’ils posent atteignent leur but, sont cohérents avec leur système de valeurs. A partir de là, il paraît donc important de tenir compte de la perspective des enfants dans l’élaboration du projet.
32 La fiche technique « projet pour l’enfant » produite par le groupe d’appui de la réforme du 5 mars 2007souligne que la place centrale de l’enfant et la primauté de son intérêt de ses besoins, de sa singularité, de son environnement et de son histoire doivent être conciliées avec les droits des parents. Fiche accessible sur le site : www.reforme-enfance.fr.
33 Article L 223-4 du CASF
34 Article L112-4 CASF
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Ces éléments sont-il un signe de difficulté à concevoir la place de l’enfant dans son parcours au-delà de son comportement problématique ? et/ou d’une difficulté à travailler « avec l’enfant » et non « sur l’enfant » ?
Il n’en reste pas moins qu’au fil des évolutions qu’elles soient législatives, sociales, sociétales ou familiales, la place de l’enfant en tant que sujet, personne, citoyen, « enfant de » ou adulte en devenir, est sans cesse interrogée, remaniée, phénomène auquel le projet pour l’enfant participe.
Ainsi, il est possible d’observer que selon l’appropriation que les départements se font du projet pour l’enfant, il n’est pas un outil de plus mais un support potentiel avec de nombreuses implications. Il participe à une cohérence et une continuité des prises en charge. Il resitue les besoins de l’enfant comme point de départ mais aussi comme élément incontournable. Et enfin, il invite les professionnels et leurs institutions à constituer un réseau autour de l’enfant. Ensemble d’implications qui sont actives dans la construction du parcours de l’enfant dès son plus jeune âge, dès son entrée dans le dispositif de protection de l’enfance, avec l’objectif d’éviter des ruptures jusqu’à sa sortie du dispositif ou sa majorité.
La question de l’évaluation
A travers le projet pour l’enfant, l’évaluation est invitée à plusieurs temps, sous diverses formes et pour des objectifs différenciés. La question de l’évaluation initiale des situations familiales est un axe majeur du dispositif de protection de l’enfance rénové par la loi du 5 mars 2007. Par différentes dispositions, la réforme conduit en effet à une approche renouvelée de l’évaluation, qui devient obligatoire, plus rigoureuse, pluridisciplinaire, et participative.
Avec l’article L 223-1 du CASF, qui dispose que « l’attribution d’une ou plusieurs prestations d’ASE est précédée d’une évaluation de la situation », l’évaluation entre dans le droit. Elle devient une obligation, préalable à la définition du projet pour l’enfant, qui figure dans un chapitre du CASF relatif aux droits des familles dans leurs rapports avec les services de l’ASE. Cette disposition légale est en conformité avec la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes qui, par différents arrêts, (1988 : Olsson contre Suède ; 2002 : Kuzner contre Allemagne) a posé qu’une mesure de retrait d’un enfant de son milieu familial doit être une mesure évaluée comme nécessaire et proportionnelle à la situation de danger de l’enfant : c’est ce qui conditionne la conformité d’une mesure de retrait au respect de la vie privée et familiale de chacun prévu à l’article 8 de la convention européenne des droits de l’Homme.
La loi précise les champs de cette évaluation. Elle doit prendre en compte :
- l’état du mineur, ce qui renvoie notamment à l’état de son développement, en particulier compte tenu du fait que la protection de l’enfance est désormais située par
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rapport aux difficultés risquant de compromettre gravement son développement physique, affectif, intellectuel et social,
- la situation de la famille, qui englobe aujourd’hui un repérage de ses difficultés mais aussi de ses ressources ou capacités à faire face à ses difficultés,
- et les aides mobilisables dans son environnement, de manière à définir les actions éventuelles en tenant compte aussi de ce que permet déjà cet environnement, dans sa dimension familiale mais aussi locale.
L’objectif de cette approche globale est de déterminer la nature des difficultés éducatives rencontrées et les aides qui paraissent les plus appropriées pour parvenir à soutenir les parents dans leur fonction parentale. Nous pouvons ici faire référence aux travaux de Sallnäs (2008), qui rapportent que les enfants dont la situation a été évaluée ont moins de risque de vivre une rupture dans le parcours de leur prise en charge.
Le caractère pluridisciplinaire de l’évaluation se déduit des dispositions sur le partage d’informations à caractère secret, autorisé notamment « afin d’évaluer une situation individuelle » (article L 226-2-2 du CASF).
Enfin, au regard des nouvelles dispositions de la loi (et notamment des critères qui délimitent le rôle de la protection sociale et de la protection judiciaire des mineurs), il s’agit aussi d’évaluer, avec eux, dans quelle mesure les parents acceptent l’aide proposée et sont en capacité d’y collaborer.
Comment le projet pour l’enfant s’articule-t-il avec les conclusions de l’évaluation de départ, prend-il appui sur le diagnostic de départ de la situation familiale ? C’est toute la question des indications de prise en charge.
Le projet pour l’enfant a également vocation à être régulièrement évalué. Bien que cela ne soit pas prévu en tant que tel dans l’article relatif au projet pour l’enfant, cela passe par l’obligation d’évaluation pluridisciplinaire annuelle de la situation de tout enfant bénéficiant d’une mesure éducative ou d’une mesure de placement qui dure au moins un an (article L 223-5 du CASF). Le projet de loi initial détaillait les points d’attention de ce rapport : il devait examiner la santé physique et psychique, le développement, la scolarité, la vie sociale et les relations avec la famille. L’objectif est bien d’évaluer (et de réévaluer) ce que devient l’enfant, comment il évolue au regard des actions qui ont été menées, si ses besoins sont bien pris en considération, en vue éventuellement de modifier le projet initial. Le contenu et les conclusions du rapport d’évaluation sont portés à la connaissance des parents (ou des détenteurs de l’autorité parentale) et du mineur, en fonction de son âge et de sa maturité.
Au-delà du projet pour l’enfant, des outils et des méthodes de travail social existent, ayant des dimensions d’évaluation plus ou moins globale en termes de multiples partenaires, de différents secteurs, d’approche de l’enfant et de sa famille ou de dimensions sociales, psychologiques, économiques, éducatives, parmi eux, le « Looking After Children ».
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L’exemple du “Looking after Children”
Le « Looking After Children » est un dispositif qui a vu le jour en 1991 en Angleterre (Parker & al., 1991 ; Ward, 1995, 1996) dont l’objectif premier est d’évaluer et d’analyser le développement des enfants et des adolescents accueillis (Parker, Ward, Jackson, Aldgate & Wedge, 1991 ; Jones, 2003). Ainsi, il permet une surveillance systématique et régulière pour éviter que des difficultés majeures ne se développent insidieusement et ne soient pas prises en charge suffisamment tôt.
Il prend essentiellement appui sur 7 dimensions du développement : la santé, l’éducation, l’identité, les relations familiales et sociales, le développement affectif et comportemental, la présentation de soi et les habiletés à prendre soin de soi. Pour chaque dimension, sont recueillies des informations d’ordres différents selon 3 cahiers et 1 questionnaire. Un premier cahier (Essential Information Record, EIR) regroupe les informations pratiques sur l’identité, la santé, l’école notamment. Un deuxième cahier (Care and Placement Plan, CPP) identifie les réponses pouvant être proposées en termes d’intervention au regard des besoins de l’enfant dans chaque dimension. Le troisième cahier (Review of care and placement plan) recueille les impressions et avis de l’équipe mais aussi tous les changements qui ont eu lieu dans l’accueil, les changements de direction de plan, d’orientation.
Le questionnaire (Assessment and Action Record, AAR), différent selon l’âge de l’enfant sert à identifier ses besoins et ses forces selon les 7 dimensions de développement. Il est rempli une fois par an par l’intervenant social en présence des parents d’accueil et de l’enfant.
Depuis sa création, le LAC est constamment réactualisé, adapté et renommé par les pays qui le développent (Canada, Québec, Australie, Hongrie, Suède, Belgique et Russie) mais aussi évalué. Un partenariat avec une université est très fréquemment observé notamment pour évaluer la validité de cet outil, son utilisation, son implantation et l’intérêt perçu par les professionnels et les parents. De même, l’informatisation des données recueillies par ce biais permet de mieux connaître cette population et d’adapter les politiques sociales.
L’utilisation annuelle du LAC permet de prendre en compte l’évolution des besoins de l’enfant et rend possible l’optimisation de la continuité de prise en charge. De même, la mise en place des interventions au regard des besoins de l’enfant et des prises en charge passées poursuit un objectif de cohérence. Le parcours de l’enfant en termes de liste exhaustive des interventions dont il a bénéficié et d’évolution de sa situation générale est donc sauvegardé dans le livret du LAC. Ainsi, parce que le parcours est construit, il peut être clairement identifié.
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Au-delà du suivi du parcours individuel d’enfants pris en charge, l’expérience LAC connaît aujourd’hui d’autres types de développements à un niveau plus macro-social. Ainsi l’initiative AIDES au Québec35 reprend les 7 dimensions du développement de l’enfant comme un référentiel plus généraliste, utilisé en amont des mesures de protection, permettant un partage entre parents et professionnels des services dits « de première ligne » autour des besoins de l’enfant et de la manière d’y répondre. Il s’agit de favoriser l’échange et la complémentarité des expertises, des compétences et des ressources entre les familles et les professionnels autour de l’enfant, dans le but d’assurer la sécurité de celui-ci et de soutenir les parents dans leurs responsabilités à son égard.
Ainsi, le projet pour l’enfant porte l’idée d’une évaluation de la situation, de l’enfant et des parents tout au long de la prise en charge mais aussi une évaluation des effets des interventions, dans une perspective dynamique. A cet égard, peut être également cité comme support de l’évaluation clinique de la continuité de la prise en charge d’un enfant, la feuille de parcours en protection de l’enfance co-construite entre l’ODAS et le département du Loiret et qui permet notamment de cadrer le partage d’informations entre professionnels concernés par la prise en charge de l’enfant et, via une présentation graphique, de visualiser le parcours de l’enfant et d’en repérer et comprendre les étapes36.
3. Accompagner les jeunes en fin de mesure de protection
Un autre éclairage de la cohérence et de la continuité de l’aide peut être donné au travers de l’étude de l’accompagnement à l’âge adulte des jeunes sortants du dispositif de protection de l’enfance.
Qu’advient-il alors après les âges de fin de prise en charge (18 ou 21 ans) ? Des dispositifs de transition peuvent-ils être mis en place de manière à perpétuer la sécurité, l’identité, les sentiments d’appartenance et d’accomplissement de soi de chaque enfant devenu adulte37 et donc de garantir la continuité des parcours?
L’état actuel de la recherche montre, que sur un temps historiquement court, le passage à l’âge adulte a perdu son statut d’évidence et est devenu un problème significatif. Le poids de cette période sur les trajectoires est d’autant plus important que sa durée s’allonge et qu’il est difficile de déterminer son début et sa fin. Pas plus qu’il n’est possible de définir les critères
35 Initiative AIDES, Action Intersectorielle pour le Développement des Enfants et leur Sécurité, voir http://www.initiativeaides.ca
36 La lettre de l’Odas, numéro d’avril 2008
37 Cette partie s’appuie sur un travail mené par l’Oned en 2009, ayant donné lieu au rapport Entrer dans l’âge adulte : la préparation et l’accompagnement des jeunes en fin de mesures de protection voir www.oned.gouv.fr
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de réussite de ce passage, ni même ce que signifierait un passage réussi. De surcroit, l’allongement de la jeunesse s’est accompagné d’un hachage et d’une diversification très forte des parcours ainsi que d’une réversibilité des situations. L’entrée dans l’emploi, l’indépendance financière, la fondation d’un nouveau foyer, l’accès à la pleine et entière citoyenneté n’arrivent plus d’un seul coup, au même âge, ni selon les mêmes modalités pour tous et ne sont pas acquis définitivement. Les parcours biographiques deviennent incertains et labiles.
La question du soutien au passage à l’âge adulte des jeunes sortant de la protection de l’enfance interroge donc fortement la cohérence et la continuité du parcours. En effet, elle questionne les interactions multiples entre le passé, le présent et le futur de la prise en charge. Elle questionne dans le futur le devenir des enfants placés. Elle interroge dans le passé l’organisation de la suppléance antérieure. Enfin, dans un ici et maintenant, l’accompagnement à la sortie questionne la capacité à faire dialoguer deux secteurs aux logiques propres : la protection de l’enfance et l’insertion sociale et professionnelle.
3.1 La continuité du parcours à l’âge adulte
La transition à l’âge adulte interroge la continuité du parcours puisqu’elle questionne tout autant le temps de l’accueil que celui de la préparation au départ et de l’accompagnement à la sortie.
En effet, les recherches internationales et européennes montrent que l’efficacité du travail d’accompagnement à la vie adulte est d’abord liée à la qualité des suppléances antérieures (Stein et Munro, 2008) et notamment à la stabilité et à la continuité de l’aide et à l’espace de réflexivité offert à l’enfant durant le placement sur ses liens pluriels d’attachement.
Les recherches en Australie et en Angleterre montrent que les résultats sont meilleurs quand le placement a été stable. La stabilité de la trajectoire38 permet de développer un sens positif d’identité, un sentiment d’attachement, une inscription dans des enseignements (Stein Munro, 2008). Les recherches anglo-saxonnes montrent notamment que l’éducation et le diplôme dépendent plus de la stabilité du placement, de sa longueur et du support de l’entourage dans les études que du travail d’accompagnement à la sortie (Stein Munro, 2008, Goyette, 2007). De même en France, les recherches quantitatives ont pu montrer que la proportion de diplôme était plus élevée chez les enfants qui ont des supports familiaux et une expérience longue de placement (Dumaret, 2008). D’où l’idée de favoriser la continuité et la stabilité de l’accueil pour permettre à l’enfant de s’inscrire dans les apprentissages, de réaliser une formation diplômante qui facilitera son insertion à la sortie.
38 Une étude sur les trajectoires de prises en charge en protection de l’enfance dans deux départements montre qu’en moyenne les enfants connaissent trois placements et pour 25% d’entre eux, quatre placements ou plus (Frechon, 2008).
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Le développement d’un sens positif d’identité est également lié aux liens d’attachement créés pendant le placement, à la compréhension par le jeune de son histoire familiale, et à la manière dont il perçoit son influence sur sa propre biographie (Stein, 2005).
Un consensus s’opère également dans la recherche comme dans la pratique sur la nécessité de porter une attention particulière au temps de la transition entre le départ du lieu d’accueil à la minorité et l’accompagnement à la vie adulte en développant les outils d’évaluation des capacités d’autonomie du jeune, en favorisant les sorties graduelles et en développant les possibilités de retours ponctuels.
En vue de préparer et d’identifier le moment du départ du lieu d’accueil à la minorité39, il peut être utile de développer des instruments d’évaluation des capacités d’autonomie du jeune, en s’inspirant des outils d’évaluation étrangers, tel que notamment l'outil d’évaluation des aptitudes à la vie quotidienne d'Ansell-Casey (ACLSA)40. Il est à noter que dans ces approches instrumentales, l’autonomie est considérée comme une compétence résultant d’un apprentissage, ce qui constitue à la fois une force par les possibilités d’action éducative ouvertes, et une faiblesse du fait d’une réduction de l’autonomie à des comportements appris. Il n’en reste pas moins que ces outils d’évaluation présentent l’intérêt de faire dialoguer le point de vue des professionnels et des usagers en vue d’identifier d’éventuels écarts d’interprétation sur la situation. Conçus comme tel, les outils peuvent permettre de mieux identifier avec le jeune le moment adéquat du départ et de rendre la sortie progressive. L’outil peut servir de médiation dans la relation jeune-professionnel et de support au dialogue. Cette même fonction peut également être remplie par les guides ou « livrets », présentant les structures existantes et les impondérables du passage à l’autonomie, remis au jeune au moment de son départ dans certains départements comme le Conseil général de Seine-Saint-Denis.
La sortie sera également facilitée si l’enfant a connu durant sa prise en charge des expériences plurielles « d’autonomie accompagnée ». Ceci afin que l’autonomie ne soit pas une simple injonction mais un principe éducatif travaillé tout au long de la prise en charge. La mise en situation permettra au jeune de prendre confiance en lui par l’expérimentation.
39 L’étude ELAP1 d’Isabelle Frechon (2009) réalisée sur le département de Paris a montré que le dernier lieu d’accueil était pour les plus gros effectifs le suivant :
29% la famille d’accueil
38% le foyer (dont 8% en lieux de vie ou établissement spécialisé)
13% l’hébergement autonome (dont FJT, Studio associatif, hôtel…)
17% le placement un Internat scolaire
3% un tiers digne de confiance
1% le « placement » chez les parents
40 Sur cet outil américain d’évaluation de l’autonomie du jeune, adapté au Québec et en communauté francophone de Belgique, voir Oned (2009) « Entrer dans l’âge adulte, la préparation et l’accompagnement des jeunes en fin de mesure de protection » (page 23). www.oned.gouv.fr
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Il est également nécessaire d’adapter le moment du départ au parcours biographique des jeunes en tenant compte de leur cursus scolaire et de formation et en s’extrayant des dates d’anniversaire et des dates de fin de mesure. Sans transgresser le cadre juridique, il s’agit de garantir la continuité de la prise en charge au jeune en ne faisant pas peser la menace d’une décision au jour de la majorité. Ce qu’il faut éviter, c’est que la date de fin de mesure soit un couperet et coïncide avec un changement brutal et non préparé de prise en charge. Néanmoins à 18 ans, le changement de statut paraît fondamental et symbolique, relié à la législation, et au droit du jeune de décider ou non de continuer une prise en charge, qui se fera de ce fait dans un autre cadre juridique. Il est également utile de développer les possibilités de retours ponctuels en accueil après des expérimentations personnelles.
Le moment du départ doit donc être préparé et le temps de la transition est particulièrement important pour amorcer un parcours d’autonomie, consolidé par un accompagnement à la vie adulte. Pour garantir la continuité de la prise en charge, il apparait donc important de concevoir le soutien à l’âge adulte comme un parcours marqué par la date symbolique et juridique des 18 ans mais qui se prépare en amont dès 16 ans et peut s’échelonner au-delà de 21 ans. Ceci afin d’éviter dans les dispositifs les effets de seuils et d’évictions ainsi que les ruptures brutales de prise en charge et de permettre une plus grande cohérence et continuité des parcours en laissant plus de temps aux jeunes pour construire leurs trajectoires d’insertion
3.2 La cohérence ou l’articulation entre droit commun et droit spécifique
Toujours dans un souci de cohérence, il parait aujourd’hui nécessaire, pour accompagner la sortie, de fédérer les ressources sur un territoire en direction des jeunes en articulant les dispositifs de droit commun et les dispositifs de droits spécifiques, le dispositif de droit commun étant conçu comme premier et celui de droit spécifique, comme subsidiaire ou complémentaire au droit commun, quand celui-ci se révèle insuffisant.
Par cette articulation, il s’agit de rendre disponibles les ressources à l’ensemble des jeunes sur le territoire, de garantir la lisibilité des dispositifs et de proposer une approche globale. L’idée sous-tendue par cette thématique est également d’éviter que les jeunes passent d’un système de protection à un autre, et soient stigmatisés. Une optique de maîtrise des coûts n’est pas non plus absente dans cette option.
Pour construire cette articulation entre droit commun et droit spécifique, il s’agit néanmoins de veiller à adapter les dispositifs de droit commun aux besoins spécifiques des jeunes sortant des dispositifs de protection de l’enfance. L’articulation entre droit commun et droit spécifique implique également de faire dialoguer les cultures professionnelles et les approches différentes de l’insertion et de la protection de l’enfance.
Il s’agit en effet de deux systèmes d’aide aux racines communes mais qui ont développé des approches et des références différentes de travail. Alors que la protection de l’enfance se
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situe dans une approche éducative et sociale, l’insertion poursuit un but d’intégration au marché de l’emploi. La première approche repose sur un soutien individuel, la seconde sur des mesures collectives. La première est orientée sur le développement de l’individu, la seconde sur la médiation vers des ressources. La protection s’appréhende dans une logique de processus, l’insertion dans une logique de résultat. La protection s’élabore dans une planification à moyen terme, l’insertion dans une logique de court terme (Nüsken, 2004). Du fait de ces modes de travail et de pensée différents, le dialogue entre ces deux cultures professionnelles peut être difficile. C’est pourquoi, certains programmes se sont attachés à mutualiser les connaissances de l’insertion et de la protection de l’enfance pour une plus grande cohérence.
Continuité, cohérence ne vont pas sans une attention au sens que le jeune peut donner à son parcours.
3.3 La recherche de sens ou rendre le jeune acteur de son parcours
Il ressort de la littérature sur le sujet l’intérêt de proposer un accompagnement à la vie adulte individualisé et sécurisant en développant un nouveau rapport à l’usager dissocié des figures traditionnelles de l’aide.
Les évaluations de programme d’accompagnement à la sortie, et notamment l’évaluation du programme de qualification des jeunes au Québec, ont permis d’identifier des méthodologies d’actions socio-éducatives porteuses de résultats après des jeunes adultes. Les actions de soutien à l’autonomie précoces, intenses, longues, souples, adaptées aux situations individuelles et aux projets individuels des jeunes, telles qu’elles sont mises en place dans le programme québecois PQJ, apparaissent comme les plus propices (Goyette, 2007).
Toujours en termes de méthodologie d’intervention, il a pu également être souligné la nécessité d’avoir un référent professionnel disponible et engagé, qui s’adapte à l’emploi du temps et aux contraintes des jeunes (Goyette, 2007).
Il est également intéressant que ce référent soit relayé par un réseau de bénévoles ou de parrainage par les pairs afin que les jeunes aient des figures de réussite auxquelles s’identifier. Des actions sont déjà menées par les associations d’anciens usagers de la protection de l’enfance sur le principe de l’aide entre pairs avec l’appui des conseils généraux.
Les projets étudiés convergent pour proposer un rapport à l’usager dissocié des figures traditionnelles de l’intervention. Les projets mettent l’accent sur la demande et l’accord du jeune. Il s’agit de se recentrer sur le jeune pour l’entendre dans l’expression de ses choix, de ses projets, en l’accompagnant au besoin dans leur réalisation. Les professionnels ne sont plus dans « le faire pour » mais dans « le faire avec ». Le jeune est considéré comme un sujet de droit, dans une relation de moins en moins dissymétrique, plus équilibrée avec l’institution ou le référent, basée sur le volontariat, fondée sur une approche participative et
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proactive qui fait du jeune l’acteur de ses choix. C’est dans ce sens notamment que le Conseil général du Loiret a élaboré son référentiel d’accompagnement du jeune majeur.
Ce paradigme participatif repose sur l’idée que le jeune adulte est un acteur de son développement et de sa prise en charge. Le but poursuivi est pédagogique pour une plus grande acceptation par le jeune des décisions mais aussi citoyen avec l’idée de co-élaborer les décisions et de donner plus de légitimité à l’intervention. En ce sens, le rapport à l’usager est défini dans le cadre d’une approche contractuelle, où les deux parties définissent en commun les objectifs à réaliser. En effet, construit dans une logique de prolongement de la protection, le dispositif d’accompagnement des jeunes majeurs a progressivement évolué vers une logique de contractualisation.
Cependant, les jeunes interrogés peuvent percevoir ces objectifs comme une source d’anxiété et de pressions à la réussite. Des professionnels des services de suivis extérieurs rencontrés nous ont également alertés sur la définition d’objectifs extrêmement difficiles à atteindre pour le jeune, objectifs qui supposeraient que l’autonomie soit déjà acquise.
Ces craintes des professionnels et des usagers font écho aux interrogations dans la littérature sur le nouveau paradigme de la participation. S. Ebersold (2002) se demande en effet s’il n’y aurait pas, dans la participation, « un nouveau projet normatif » dans lequel les usagers seraient de plus en plus obligés de s’engager personnellement dans un impératif de performance individuelle, qui peut mettre en difficulté les personnes fragiles et a fortiori les jeunes. Ce nouveau paradigme participatif, sous couvert de la reconnaissance de droits aux usagers, ne viserait-il pas à justifier leur responsabilisation dans un contexte de rationalisation économique et de désengagement de l’État ? Que reste-t-il alors du contrôle inverse, de l’évaluation par le jeune des aides qui lui sont proposées par les professionnels ? Le principe du contrat supposerait en effet que les deux parties du contrat soient évaluées, ce qui impliquerait une évaluation bilatérale de l’évolution du jeune mais aussi des actions des professionnels à leur égard.
Pour éviter ce risque et permettre aux jeunes de participer à l’évaluation des actions conduites à leurs égards, on peut se demander si les actions psycho-éducatives facilitant la participation de l’usager ne seraient pas à développer progressivement pendant l’enfance et à renforcer dans un continuum en direction des jeunes majeurs avec des projets, des recherches et des évaluations impliquant les usagers. Une recherche comparative menée par H. Milova sur des foyers en France, en Russie et en Allemagne montre que la France accuse un retard sur ce plan avec une moindre participation des enfants français durant l’accueil tant aux tâches collectives qu’aux décisions les concernant par rapport à leurs homologues allemands.
Dans un continuum, il est important de favoriser la participation individuelle et collective des jeunes dans le cadre de projets de soutien par les pairs, de commissions départementales, nationales et internationales de jeunes, de participation à des congrès internationaux. La prise de responsabilité dans des actions d’associations d’anciens est également à encourager.
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Il est également important de développer des recherches sur les jeunes sortants et des évaluations sur les dispositifs d’aide à la sortie en s’intéressant à la mise en mouvement des jeunes et en tenant compte du point de vue des jeunes sur l’efficacité de l’aide.
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Le parcours de vie comme « orientation au monde vécu »
L’idée sous tendue avec la notion de parcours est qu’il est essentiel de se centrer sur l’enfant au coeur de son histoire et de sa prise en charge, en somme de prendre en compte le vécu « expérientiel » des usagers dans leur relation avec les institutions.
Cette idée est d’autant plus importante que de nombreuses études ont pu montrer les écarts de conceptualisation et d’interprétation qui peuvent émerger entre les professionnels et les usagers au cours du parcours de prise en charge. Ces incompréhensions sur la signification des évènements importants ou oubliés du parcours et des actions sont particulièrement présentes dans les situations de crise à l’adolescence. Ainsi Barreyre & Fiacre avancent l’hypothèse que la situation « d’incasabilité » pourrait être liée à une non-prise en compte du point de vue du jeune sur son parcours et à une incohérence entre point de vue des usagers et celui des professionnels sur les évènements et les actions menées. Cette incohérence des analyses entraînerait par conséquence une incohérence des parcours (Barreyre & Fiacre, 2009).
Il est alors essentiel de prendre en compte le parcours de vie, compris comme le vécu de l’enfant tout au long de son histoire familiale et de sa prise en charge, et de l’articuler avec la perception des professionnels et des institutions. On est proche ici du concept « d’orientation au monde vécu » Lebensweltorientierung, développé en Allemagne par H. Tiersch. Ce concept implique de prendre en compte la perception subjective des individus de leur monde vécu dans leur quotidienneté et de l’articuler avec la construction du monde social. En d’autres termes ceci implique que dans l’action sociale, le professionnel cherche à comprendre le monde vécu de l’enfant et à construire en partenariat avec lui, un projet lui permettant de surmonter ses difficultés au quotidien et de renforcer ses supports, au lieu d’imposer un mode de vie normé à l’enfant, centré sur une lecture exclusivement négative de la situation.
Le parcours serait donc à envisager non comme une succession d’évènements de vie « datés », mais comme une recherche d’articulation entre la perception de ces évènements, dépendants ou non de l’intervention sociale, par les différents acteurs en présence. Il ne s’aborderait pas comme une lecture a posteriori de l’histoire du sujet avec des interprétations professionnelles sur le possible ressenti mais comme un parcours en quelque sorte construit par lui, à l’aide des services pouvant lui apporter soutien, accompagnement et aide.
Ceci implique une meilleure articulation des mesures autour de la perception par l’enfant, sa famille et les professionnels des besoins et du sens attribué à l’aide en vue d’une plus grande continuité, cohérence, stabilité et permanence des parcours.
De façon sous-jacente, l’ensemble des éléments développés dans cette partie invite à mettre en acte la co-construction qui permet la cohérence. En d’autres termes, est-il possible de concevoir la cohérence d’un parcours de vie d’un enfant sans considérer le sens qu’il élabore sur son parcours et sur ses projets et sans l’accompagner en ce sens ? Se rencontrent ici l’intrication du niveau des organisations et des interventions mises en place et le niveau de vécu du sujet à propos de son propre parcours.
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Il apparaît ainsi que l’approche en termes de parcours de l’enfant favorise une vision dynamique de sa prise en charge sous réserve d’être prise en compte aux différents niveaux institutionnels. Dans cette approche, la question de l’évaluation reste centrale aussi bien pour l’entrée dans le dispositif que pour la mise en oeuvre d’une mesure en protection de l’enfance.
La perspective du travail sur les parcours amène à souligner la question des outils et justifie que des travaux soient menés dans cette perspective. La réflexion sur l’évaluation sera en tout cas l’un des axes de travail de l’ONED dans les années à venir.
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Chapitre II : Connaissance chiffrée de l’enfance en danger
Depuis son 1er rapport annuel, l’ONED consacre son deuxième chapitre aux données chiffrées de l’enfance en danger et propose une estimation du nombre de mineurs et de jeunes majeurs bénéficiant d’une mesure en protection de l’enfance. Pour la cinquième année consécutive et en attendant de disposer de données individuelles et anonymisées, l’estimation sera basée sur les chiffres de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), ainsi que ceux de la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ), confrontés aux données sur le nombre de mineurs en assistance éducative (Art. 375 du code civil) issus des tableaux de bord des tribunaux pour enfants. Pour l’année 2009, les données disponibles permettent une estimation à la date du 31 décembre 2007.
Nous présentons d’abord ces estimations, puis la répartition des mesures selon le type de décision administrative ou judiciaire et enfin l’évolution récente des prises en charge.
La deuxième partie de ce chapitre est consacrée à l’état d’avancement de la mise en application du décret sur la transmission des données chiffrées aux observatoires départementaux de la protection de l’enfance et à l’ONED et à la réflexion menée en parallèle sur les indicateurs à produire.
1. Estimation des prises en charge au 31 décembre 2007
1.1 Effectifs de mineurs et de jeunes majeurs bénéficiant d’une mesure en protection de l’enfance
L’estimation du nombre de mineurs et de jeunes majeurs en danger repose sur l’exploitation des données produites par la Drees et la DPJJ. A partir de son enquête annuelle sur les bénéficiaires de l’aide sociale départementale, réalisée auprès des conseils généraux, la Drees publie le nombre de bénéficiaires de l’aide sociale à l’enfance répartis selon les différents types de prise en charge, par département41. La DPJJ, quant à elle, transmet à l’Oned les données dont elle dispose sur les mesures judiciaires par département. Ces sources de données, la méthode d’estimation utilisée et ses limites ont été exposées en détail dans les rapports précédents42.
41 Bailleau G., Trespeux F., Bénéficiaires de l’aide sociale des départements en 2007, Document de travail de la DREES, (Coll. Séries statistiques), n°130, avril 2009.
42 Oned, Rapports annuels 2005 à 2008.
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Cette méthode, validée dans les rapports précédents a, de nouveau, été utilisée pour l’estimation du nombre de mineurs et de jeunes majeurs bénéficiant d’une mesure de prise en charge au 31 décembre 2007, permettant ainsi de calculer la proportion de mineurs et jeunes majeurs pris en charge parmi la population nationale de cette tranche d’âge :
- le nombre de mineurs bénéficiant d’au moins une mesure de prise en charge est estimé, au 31/12/2007, à 265 061 sur la France entière, ce qui représente 1,86 % des moins de 18 ans ;
- le nombre de jeunes majeurs bénéficiant d’au moins une mesure est estimé, au 31/12/2007, à 21 565 sur la France entière, ce qui représente 0,84% des 18-21 ans.
Le nombre de mineurs bénéficiant d’au moins une mesure de prise en charge est quasiment stable (-0,3%) tandis que le nombre de jeunes majeurs bénéficiant d’au moins une mesure est en très légère augmentation (près de 1%).
Qu’il s’agisse des mineurs ou des jeunes majeurs, la proportion de la population prise en charge a légèrement diminué entre 2006 et 2007(voir §1.3 infra -Fig 3 et 4 pages 73-74). Ces résultats confirment la tendance régulière à la baisse de la part des prises en charge chez les jeunes majeurs observée depuis 2004 (Fig 4 page 74). C’est en revanche la première fois que la part des mineurs pris en charge par rapport à la population de la même tranche d’âge diminue depuis la première estimation de l’Oned qui portait sur la situation au 31 décembre 2003 (Fig 3 page 72), cette évolution devra être confirmée dans les années à venir.
Inclure ou non les départements d’Outre-mer ne modifie la part des prises en charge pour les jeunes majeurs et modifie très légèrement la part des prises en charge pour les mineurs.
Le nombre d’enfants de moins de 18 ans bénéficiant d’au moins une mesure serait, fin 2007, de 255 763 en France métropolitaine, soit 1,87 % des moins de 18 ans et le nombre de jeunes majeurs de 20 940 en France métropolitaine, soit 0,84 % des 18-21 ans
Le caractère estimatif de ces données ne permet pas de conclure à une évolution significative de la situation des enfants et des jeunes pris en charge et nous pouvons ainsi résumer la situation :
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Au 31/12/2007, le nombre de mineurs pris en charge en protection de l’enfance est d’environ 265 000 pour la France entière soit 1,86 % des moins de 18 ans.
Le nombre de jeunes majeurs concernés par une mesure de prise en charge est d’environ 21 500, soit un taux de prise en charge autour de 0,84 % des 18-21 ans.
Les variations des taux de prise en charge
Les variations départementales
Derrière ce résultat global on trouve une forte disparité départementale aussi bien au niveau de la prise en charge des mineurs que de celle des jeunes majeurs.
Cartes 1 et 2 : Estimation de la part des mineurs et des jeunes majeurs pris en charge (au moins une mesure au 31 décembre 2007). Pour 100 mineurs et jeunes majeurs dans le département.
Mineurs Jeunes majeurs
Source : DREES et Ministère de la Justice
Note : les données au 31/12/2007 ne permettent pas de faire la distinction entre la Haute Corse et la Corse du Sud
Taux France entière pour les mineurs = 1,86%
Taux moyen pour les jeunes majeurs = 0,84%
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Pour les mineurs, le taux de prise en charge varie de 0,95 % pour la Guyane à 3,13 % pour la Creuse, la médiane étant à 1,82 %43. La répartition des départements en quatre groupes de taille identique44, montre que, comme pour l’année 2006, la variation interdépartementale est plus élevée dans les deux groupes extrêmes. En effet, les cinquante départements les plus proches de la médiane (de part et d’autre de celle-ci) ont un taux de prise en charge variant de 1,6 % à 2,3 %, soit une variation de 0,7 point. Tandis que les groupes aux extrêmes cumulent une variation de 1,5 point, répartie également entre le groupe où les taux de prise en charge sont les plus faibles (0,7 point) et celui où ils sont les plus forts (0,8 point).
Pour les jeunes majeurs, le taux de prise en charge varie de 0,4 % pour la Haute-Garonne à 1,91 % pour la Creuse, la médiane étant à 0,8 %. C’est dans le groupe des vingt-cinq départements avec les taux de prise en charge les plus élevés que l’on constate les plus fortes variations interdépartementales : de 1,1 % à 1,9 %, soit 0,8 point, alors que l’ensemble des autres départements varie entre 0,4 % et 1,1 % soit 0,7 point.
Les variations régionales
Si le taux global de prise en charge, ainsi que l’évolution sur quelques années, sont des indicateurs importants, ils n’en restent pas moins insuffisants pour présenter la situation nationale. Le taux de prise en charge des mineurs et des jeunes majeurs a été estimé selon la région (cartes 3 et 4), afin de montrer les contrastes qui peuvent exister.
43 La médiane est la valeur qui sépare en deux groupes de même taille la population. La moitié des départements a donc un taux de prise en charge des mineurs inférieur à 1,82 %.
44 Groupes de 25 départements, classés selon la valeur de leur taux de prise en charge, correspondant aux quartiles de la légende des cartes.
66
Par rapport à l’année précédente, la configuration générale de la carte pour les mineurs n’a pas évolué. En revanche pour les jeunes majeurs, on observe une diminution de la part de ceux qui sont pris en charge dans la région Auvergne, et une augmentation dans la région Franche-Comté.
1.2 La répartition des mesures selon la décision
Distribution des mesures selon la décision et le financement.
Le nombre total de mesures en cours au 31/12/2007 s’élève, mineurs et jeunes majeurs confondus, à 302 900 pour la France entière.
Les trois-quarts de ces mesures de prise en charge résultent d’une décision judiciaire en assistance éducative. L’ASE est cependant le financeur principal de ces mesures, puisqu’elle en supporte la charge à 97 %. En effet, si les décisions judiciaires concernant les jeunes majeurs ne peuvent-être financées que par la justice, celles concernant les mineurs le sont en
Cartes 3 et 4 : Estimation de la part des mineurs et des jeunes majeurs pris en charge (au moins une mesure au 31 décembre 2007). Pour 100 mineurs et jeunes majeurs dans la région.
Mineurs Jeunes majeurs
Source : DREES et Ministère de la Justice
67
principe par l’ASE. Les décisions administratives, quant à elles, sont uniquement financées par l’ASE.
Tableau 1 : Répartition des décisions au 31/12/2007. France entière
Décisions
Décisions Ensemble des décisions
administratives
judiciaires Total %
Financement
ASE
0-18 ans
52 519
219 985 272 504 90%
18-21 ans
19 913
19 913 7%
DPJJ
0-18 ans
7 608 7 608 3%
18-21ans
2876 2 876 1% Ensemble des décisions Total 72 432 230 469 302 901 100% % 24% 76% 100%
Source : Drees et DPJJ
Champ : France entière
Pour les mineurs, la répartition des décisions et des financements a peu évolué depuis la première estimation réalisée par l’Oned pour la situation au 31/12/2003. Pour les jeunes majeurs au contraire, on constate une déjudiciarisation des prises en charge, puisque la part des décisions judiciaires en assistance éducative est passée de 24 % au 31/12/2003 à 13 % au 31/12/2007 (Tableau 2). Cette diminution entraîne mécaniquement l’augmentation du poids de l’ASE dans les financements, qui passe de 76 % à 87 % sur la même période.
68
Tableau 2 : Evolution de la répartition (en %) des décisions et des financements au 31 décembre. France entière
31/12/2003
31/12/2004
31/12/2005
31/12/2006
31/12/2007
Part des décisions judiciaires parmi l’ensemble des décisions
0-18 ans
82%
81%
82%
82%
81%
18-21 ans
24%
23%
18%
14%
13% Ensemble 77% 77% 77% 77% 76%
Part financée par l’ASE
0-18 ans
97%
97%
97%
97%
97%
18-21 ans
76%
77%
82%
86%
87% Ensemble 95% 95% 96% 96% 97%
Source : Drees et DPJJ
Champ : France entière
Note de lecture : Au 31/12/2003, parmi l’ensemble des décisions prises pour les 0-18 ans, 82 % étaient des décisions judiciaires et 97 % étaient financées par l’ASE
Distribution des mesures : entre milieu ouvert et placement
Les mesures qu’elles soient sur décision administrative ou judiciaire, se répartissent de façon quasiment égale entre mesures en milieu ouvert et placement de l’enfant (Tableaux 1 et 3).
Tableau 3 : Répartitions des mesures en fonction du type de décision par classe d’âge.
Mesures de placement
Mesures en milieu ouvert
Décisions administratives
Décisions judiciaires
Décisions administratives
Décisions judiciaires
0-18 ans
14 755
115 201
37 764
112 392
18-21 ans
17 250
1 295
2 663
1 581
Total
32 005
116 496
40 427
113 973 % 11% 38% 13% 38% 49% 51%
Source : Drees et DPJJ
Les mesures de placement sont des décisions judiciaires dans près de 78 % des cas, le reste étant des décisions administratives. Mais cette répartition est totalement différente pour les mineurs et les jeunes majeurs. Pour les premiers ces mesures sont neuf fois sur dix des décisions judiciaires, alors que c’est l’inverse pour les jeunes majeurs (Figure 1).
Pour les mesures en milieu ouvert, là aussi, les trois-quarts sont des décisions judiciaires. On constate la même différence de traitement entre mineur et jeunes majeurs, même si les écarts
69
sont moins marqués (Figure 2). L’évolution de ces résultats depuis 2004 illustre la déjudiciarisation des prises en charges pour les jeunes majeurs évoquée plus haut (Figure 2).
70
Figure 1 : Répartition du type de décision à l’origine du placement (%) de 2003 à 2007. Mineurs et jeunes majeurs.
Mineurs Jeunes majeurs
Source : Drees et DPJJ
Figure 2 : Répartition du type de décision à l’origine de la mesure en milieu ouvert (%) de 2003 à 2007. Mineurs et jeunes majeurs. Source : Drees et DPJJ
71
Les variations départementales des taux de placement.
Carte 5. Estimation, parmi les mineurs pris en charge, de ceux bénéficiant au moins d’une mesure de placement au 31/12/2007. Pour 100 mineurs dans le département.
Source : DREES et Ministère de la Justice
Note : les données au 31/12/2007 ne permettent pas de faire la distinction entre la Haute Corse et la Corse du Sud
Taux France entière = 49%
72
Cartes 6 et 7. Part des mesures de placement parmi l’ensemble des décisions administratives ou judiciaires. Pour 100 mesures dans le département.
Administratives Judiciaires
Source : DREES et Ministère de la Justice
Note : les données pour le 31/12/2007 ne permettent pas de faire la distinction entre la Haute Corse et la Corse du Sud pour les décisions judiciaires.
Part des mesures d’accueil parmi l’ensemble des décisions administratives, France entière = 28%
Part des mesures d’accueil parmi l’ensemble des décisions judiciaires, France entière = 51%
73
1.3 L’évolution récente des prises en charge
L’évolution du nombre et de la part de bénéficiaires
Entre 2003 et 2007, le nombre de mineurs pris en charge en protection de l’enfance a légèrement augmenté, passant de 244 648 à 265 061 (+2,0 % par an sur la période). Si la croissance était plus importante entre les deux premières années (+3,7 %), elle semble ralentir ensuite (+3,1% puis +1,7 %), allant jusqu’à décroitre légèrement sur la dernières période (-0,3%). L’évolution du nombre de mineurs en France ayant peu varié d’une année sur l’autre (+0,2% par an pour l’ensemble de la période 2003-2007), la proportion de mineurs pris en charge est passée de 1,75 % en 2003 à 1,86 % en 2007 (Figure 3).
Figure 3 : Evolution du nombre de mesures, du nombre d’enfants concernés, et de la part des mineurs pris en charge en protection de l'enfance, au 31 décembre. France entière
264 838270 078272 812277 013280 112244 648253 730261 485265 913265 0611,73%1,79%1,85%1,88%1,86%1,00%1,20%1,40%1,60%1,80%2,00%220 000230 000240 000250 000260 000270 000280 000290 000300 00001/01/200301/01/200401/01/200501/01/200601/01/2007Nombre de mesuresNombre d’enfantsPart des mineurs
Source : estimation Oned à partir des données de la Drees et de la DPJJ45 Champ: France entière
45 Le nombre et la part de mineurs pris en charge en protection de l’enfance pour les années antérieures à 2007 ne correspond pas forcément exactement aux chiffres publiés dans les précédents rapports. La variabilité, même minime, de ces chiffres est liée à la fois à des changements légitimes de méthodologie des institutions fournissant les données leur permettant d’affiner leurs données, mais également à un laps de temps parfois nécessaire pour obtenir les dernières données disponibles. Ceci fragilise d’autant la méthode d’estimation de l’Oned, mais nous préférons ré-estimer les chiffres des années antérieures afin de disposer des estimations les plus fiables possibles à une date donnée.
74
L’évolution du nombre de mesures chez les jeunes majeurs est plus irrégulière que chez les mineurs (Figure 4). La croissance observée entre les deux premières estimations (2003 à 2004) a été suivie d’une baisse régulière et relativement importante du taux de prise en charge. Ce taux est lié à l’évolution du nombre de mesures, et à celui du nombre total de jeunes de 18 à 21 ans résidant en France. La croissance du nombre de jeunes majeurs concernés par une mesure de prise en charge étant plus faible que la croissance du nombre total de jeunes majeurs, leur taux de prise en charge aura tendance à décroitre46.
Figure 4 : Evolution du nombre de mesures, du nombre de jeunes concernés, et de la part des jeunes majeurs pris en charge en protection de l'enfance, au 31 décembre. France entière
21 34123 23422 83822 28022 78919 71421 82821 89021 38721 5650,82%0,90%0,89%0,87%0,84%0,80%0,82%0,84%0,86%0,88%0,90%0,92%0,94%0,96%0,98%1,00%18 00019 00020 00021 00022 00023 00024 00001/01/200301/01/200401/01/200501/01/200601/01/2007Nombre de mesuresNombre de jeunesPart des jeunes majeurs
Source : estimation Oned à partir des données de la Drees et de la DPJJ
Champ: France entière
L’évolution selon le type de prise en charge chez les mineurs
Parmi les 265 061 enfants pris en charge en protection de l’enfance à la fin de l’année 2007, la moitié bénéficie uniquement d’une mesure en milieu ouvert (soit 0,95% de l’ensemble des mineurs) et 43% uniquement d’une mesure de placement (soit 0,81% de l’ensemble des mineurs). 6% des mineurs bénéficient quant à eux d’une mesure de milieu ouvert combinée à
46 Pour la dernière période d’observation, le nombre de jeunes concernés par une mesure augmente de 0,8% tandis que le nombre total de jeunes majeurs résidant en France augmente de 4,0 %, la part relative des jeunes majeurs concernés par une mesure est donc en décroissance.
75
une mesure de placement (Tableau 4). La distinction entre placement et milieu ouvert semble encore nette pour les données au 31/12/2007, mais la loi n°2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance met en place des mesures de protection qui combinent à la fois le placement et le milieu ouvert. Ces modifications dans les pratiques devraient pouvoir être observées dans les années à venir.
Tableau 4 : Evolution du nombre et de la part des mineurs pris en charge en protection de l'enfance, selon le type de mesure. France entière
31/12/2003
31/12/2004
31/12/2005
31/12/2006
31/12/2007
Nombre de mesures
264 838
270 078
272 812
277 013
280 112
Nombre de mineurs pris en charge
244 648
253 730
261 485
265 913
265 061
Taux de prise en charge des mineurs selon le type de mesure
Mesure de placement uniquement
0,75%
0,78%
0,82%
0,83%
0,81%
Mesure de milieu ouvert uniquement
0,84%
0,90%
0,95%
0,97%
0,95%
Double mesure
0,14%
0,12%
0,08%
0,08%
0,11%
Total
1,73%
1,79%
1,85%
1,88%
1,86% Répartition des mineurs en fonction des types de prise en charge
Mesure de placement uniquement
43,23%
43,62%
44,54%
44,27%
43,35%
Mesure de milieu ouvert uniquement
48,52%
49,94%
51,13%
51,55%
50,97%
Double mesure
8,25%
6,44%
4,33%
4,17%
5,68%
Total
100,00%
100,00%
100,00%
100,00%
100,00%
Source : estimation Oned à partir des données sur le nombre de mesures de la Drees et de la DPJJ
Note de lecture : au 31/12/2003, 1,73% des 0-18 ans bénéficient d’une prise en charge en protection de l’enfance, 0,75% bénéficiant uniquement d’une mesure de placement. Au 31/12/2003, 43,23% des mesures de prises en charge sont uniquement des mesures de placement.
Entre 2003 et 2006, selon notre estimation, la part des mineurs bénéficiant à la fois d’une mesure de placement et d’une mesure de milieu ouvert diminue de moitié, passant de 8,25 % à 4,17 %. Cette diminution des doubles mesures a pour corollaire une augmentation du nombre de mineurs bénéficiant uniquement d’une mesure. Sur cette période, les mesures en milieu ouvert ont progressé de 15,5% et les mesures de placement de 11,3 %.
76
Entre 2006 et 2007, on observe au contraire le mouvement inverse : la part des mineurs bénéficiant à la fois d’une mesure de placement et d’une mesure de milieu ouvert est en augmentation, de 4,17 % à 5,68 %, tandis que ceux bénéficiant d’une seule mesure diminue légèrement. Cette diminution est légèrement plus importante pour les mineurs bénéficiant d’une mesure de placement que pour ceux bénéficiant d’une mesure de milieu ouvert uniquement.
L’évolution selon le type de prise en charge chez les jeunes majeurs
Le taux de double mesure chez les jeunes majeurs ne peut être estimé, on leur applique donc celui des mineurs pour estimer un nombre de jeunes bénéficiant d’au moins une mesure. La répartition en trois groupes selon le type de prise en charge, comme précédemment pour les mineurs, est donc plus délicate et nous nous limiterons donc à une analyse sur le nombre de mesures observées chez les jeunes majeurs, selon le type de mesures.
Tableau 5 : Evolution du nombre et de la répartition des mesures pour les jeunes majeurs. France entière
31/12/2003
31/12/2004
31/12/2005
31/12/2006
31/12/2007
Nombre de mesures de placement
17 434
19 122
19 138
18 531
18 545
Nombre de mesures de milieu ouvert
3 907
4 112
3 700
3 749
4 244
Nombre total de mesures
21 341
23 234
22 838
22 280
22 789
Nombre total de jeunes de 18 à 21 ans
2 400 373
2 437 810
2 451 134
2 462 247
2 561 475
Proportion de jeunes bénéficiant
au moins une mesure de placement
0,73%
0,78%
0,78%
0,75%
0,72%
au moins une mesure de milieu ouvert
0,16%
0,17%
0,15%
0,15%
0,17%
Répartition parmi l'ensemble des mesures
part des mesures de placement
81,69%
82,30%
83,80%
83,17%
81,38%
part des mesures de milieu ouvert
18,31%
17,70%
16,20%
16,83%
18,62%
Source : estimation Oned à partir des données sur le nombre de mesures de la Drees et de la DPJJ
Contrairement aux mesures de prise en charge pour les mineurs, la répartition chez les jeunes majeurs est loin d’être identique entre placement et milieu ouvert. En effet, quelle que soit l’année de référence, plus de 80% de l’ensemble des mesures de prise en charge recensées sont des mesures de placement (Tableau 5).
77
L’évolution entre mesures de placement et mesures de milieu ouvert chez les jeunes majeurs est faible et irrégulière entre 2003 et 2007. Sur cette période, le nombre de mesures de placement a augmenté de 6,4% au total (1,6% par an), tandis que les mesures de milieu ouvert augmentaient de 8,6% (2,1% par an). Entre ces deux périodes de référence, l’évolution est assez différente selon le type de mesure puisqu’entre le 31/12/2004 et le 31/12/2005, le nombre de mesure de milieu ouvert chutait de 10% alors que les mesures de placement restaient stables, et, à l’inverse entre les deux périodes suivantes (31/12/2005-31/12/2006, puis 31/12/2006-31/12/2007), le nombre de mesures de placement diminuait légèrement puis se maintenait, tandis que les mesures de milieu ouvert connaissaient une augmentation importante, notamment sur la dernière période d’observation (+13,2%).
Une analyse plus fine des situations selon l’âge exact et le sexe des populations n’est actuellement pas possible, en raison de la nature des données disponibles, de même elles ne permettent pas d’analyser l’évolution des prises en charge individuelles. Ces analyses pourront être effectuées à l’avenir à partir des données recueillies dans le cadre prévu par la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance.
2. La transmission des données individuelles et anonymisées
La loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance a prévu la transmission des données recueillies dans le cadre de la protection de l’enfance, sous forme anonyme, à l’observatoire départemental de la protection de l’enfance (ODPE) ainsi qu’à l’observatoire national de l’enfance en danger (ONED). Toutefois, cette transmission n’a pas démarré à ce jour en raison notamment de la saisine de la CNIL, en avril 2009 à la suite de la parution du décret d’application n° 2008-1422 du 19 décembre 2008. Après avoir fait état de la situation en fin d’année 2009 concernant l’application du décret précité, nous reprendrons les indicateurs qui paraissent importants pour l’observation de l’enfance en danger et du dispositif de protection de l’enfance, en lien notamment avec la littérature internationale.
2.1 La mise en oeuvre du processus de transmission des données individuelles et anonymisées
Le travail d’élaboration du décret du 19 décembre 2008 a été mené en collaboration étroite avec les départements, les ministères concernés, des associations, des médecins et des magistrats, donnant lieu à de nombreuses réunions interinstitutionnelles. Il a servi de base aux ministères de la Famille et de la Justice pour élaborer les variables recueillies. Ces variables ont toutes été construites en se reposant d’une part sur ce qui existait déjà dans les progiciels de type Perceaval, Anis ou Genesis et d’autre part sur ce qui était expérimenté et validé dans certains départements.
Le décret est paru au JO du 27 décembre 2008. Il précise dans son article D 226-3-1 les objectifs d’études visés par cette transmission de données anonymes :
78
« Cette transmission a pour objet de contribuer à la connaissance de la population des mineurs en danger, à celle de l’activité des cellules départementales prévues à l’article L. 226-3 et des services de protection de l’enfance et de faciliter l’analyse de la cohérence et de la continuité des actions mises en oeuvre au bénéfice des personnes concernées ».
Dès la publication du décret, l’ONED a organisé des réunions de travail regroupant les professionnels concernés (responsables de cellule ou d’observatoire, responsable de service enfance famille ou de service informatique, mais aussi psychologues, secrétaires, éducateurs…) sur sa mise en application.
En avril 2009, les formulaires comportant les variables ont été contestés et la CNIL saisie pour avis sur le système de recueil de données. Durant le délai d’instruction du dossier et en attendant les préconisations de la CNIL, l’ONED a différé toute action de déploiement de ses outils. Diverses rencontres ont eu lieu avec la CNIL, les organisations professionnelles, l’ADF et les ministères concernés.
Le président de la CNIL a adressé à la présidente du GIPED une lettre en date du 29 décembre 2009.
La commission constate qu’en ce qui concerne la pertinence des données sollicitées, certaines informations contenues dans le formulaire excèdent celles prévues par le décret. Elle souligne que s’agissant de traitements informatisés dans le domaine de l’action sociale, il importe de définir des items les plus objectifs possibles.
Elle invite en conséquence les différents acteurs de l’action sociale à se concerter et propose que le Conseil Supérieur du Travail Social se prononce sur ces problématiques.
Elle recommande que la liste précise des informations devant faire l’objet d’un traitement statistique soit établie par voie réglementaire.
D’autre part, la Commission invite l’ONED à édicter des recommandations auprès des départements concernant non seulement le respect des formalités préalables auprès de la CNIL mais également leurs obligations de sécurité et de confidentialité dans le recueil des données. Elle propose à l’ONED ainsi qu’aux départements de les appuyer dans l’élaboration des recommandations par son expertise juridique et technique.
C’est donc sur ces deux axes que le travail se poursuit début 2010.
Le champ de la protection de l’enfance est concerné comme d’autres questions sociales par le mouvement d’évaluation des politiques publiques tant sur le versant de leur utilité que de leur efficience. Une telle évaluation doit prendre en compte les connaissances propres à l’enfance en danger d’une part et les principes dégagés par la Convention internationale des droits de l’enfant d’autre part.
La réflexion sur les indicateurs dans ce domaine est à mener en tenant compte des travaux menés par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en lien avec l’International Society for Prevention of Child Abuse and Neglect (ISPCAN) sur la production de données
79
concernant l’enfance maltraitée, et des réflexions portées par l’UNICEF et l’OCDE qui visent à intégrer une évaluation du bien être des enfants dans les politiques publiques.
Le système de remontée de données découlant du décret du 19 décembre 2008 en cours de modification doit être cohérent avec ces recommandations internationales. Les variables retenues devront permettre de renseigner un ensemble d’indicateurs, qui puissent être utiles aux décideurs, aux gestionnaires du secteur, aux professionnels dans l’intérêt des enfants et de leur famille. C’est dans cette perspective que se situe le processus de construction de ces indicateurs visant à permettre une meilleure connaissance du phénomène, améliorer la prise en charge et donc le bien-être des enfants.
Au delà de ces objectifs formels, le recueil de données statistiques et l’élaboration d’indicateurs nous invitent aussi collectivement à clarifier les valeurs, représentations et normes partagées par les différents acteurs de la protection de l’enfance, ainsi que les moyens d’actions à mettre en oeuvre pour en améliorer la prise en charge. La capacité des différents acteurs à créer ce langage commun est une des conditions nécessaires à leur participation et donc à la bonne mise en place de ce système de remontée des données.
2.2. Des indicateurs fondés sur l’étude des parcours
Les recommandations internationales et européennes en matière de collecte des données en enfance en danger La collecte des données
Les organismes internationaux comme l’OMS et l’ISPCAN ont une fonction de suivi, de veille et d’alerte concernant la santé et la sécurité des enfants dans le monde. Pour ce faire, ils doivent disposer de données fiables et comparables leur permettant de créer ces outils de veille et de suivi.
Dans cette optique, l’OMS et l’ISPCAN ont publié conjointement en 2006 un « Guide sur la prévention de la maltraitance des enfants : intervenir et produire des données »47. La rédaction de ce guide s’appuie sur le constat du manque de données disponibles sur la maltraitance des enfants, alors que cette connaissance est nécessaire pour la mise en oeuvre de politiques de prévention et de prises en charge efficaces.
Ce rapport insiste sur la nécessité d’avoir des définitions et un système de références communs qui permettraient, notamment, de mettre en place des indicateurs standardisés pour mesurer les phénomènes de maltraitance et les facteurs qui en augmentent les risques48.
47 OMS, ISPCAN, Guide sur la prévention de la maltraitance des enfants : intervenir et produire des données. OMS, Genève, 2006
48 Ibid p 4.
80
Par ailleurs, si le rapport d’octobre 2006 du Secrétaire général des Nations Unies sur les violences envers les enfants relève que de nombreux gouvernements ont fait de grands efforts dans le domaine des réformes juridiques pour traiter de la maltraitance aux enfants, il souligne néanmoins le peu d’efforts consacrés à documenter et évaluer ces programmes49. D’autre part, il pointe l’existence de nombreux mythes autours des facteurs de risques et des caractéristiques des auteurs de mauvais traitement.
Ce point de vue est partagé par l’OMS et l’ISPCAN, qui résument ainsi leur pensée : « C’est seulement avec des données exactes que l’on pourra dissiper ces idées fausses et remplacer ces hypothèses par des faits »50. Pour cela, ils recommandent de collecter et de partager les données recueillies par les services sociaux auprès des familles ou des individus victimes de maltraitance.
Ces recommandations ont été reprises par le réseau européen des observatoires nationaux de l’enfance (ChildONEurope) auquel la France est associée51.
Au regard des définitions et des théories sur la maltraitance et en s’appuyant sur les recherches récentes, qui s’entendent sur la nécessité de prendre en compte une pluralité de facteurs explicatifs et de types de danger en présence dans la compréhension des situations familiales, les différents organismes cités précédemment proposent des thématiques à étudier et listent une série de variables à recueillir, dans le but d’objectiver les connaissances sur ce phénomène.
Cette liste, adaptée du rapport canadien A Conceptual and epidemiological framework for child maltreatment surveillance publié en 2001 par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada, s’appuie sur les résultats d’études méthodologiquement fiables sur les facteurs de risques de maltraitance chez l’enfant. Les variables qu’il est recommandé de recueillir concernent les champs thématiques suivants :
 Les caractéristiques des enfants : Age, sexe, nationalité, conditions de logement, situation scolaire, adresse, signalements antérieurs de maltraitance, déficiences physiques ou liées au développement.
 Des détails sur la maltraitance : Source et date du signalement, forme ou formes de maltraitance, lieux où se sont passés les actes de maltraitance, type du signalement (par exemple « suspect » ou « prouvé »), gravité des blessures, durée des mauvais traitements, organismes d’enquête, mesures prises.
 Les caractéristiques du ou des agresseurs présumés : Âge, sexe, niveau d’instruction, statut marital, lien avec l’enfant, antécédents de violence, situation face
49 Rapport de l’expert indépendant chargé de l’étude des Nations Unies sur la violence à l’encontre des enfants. New York, NY, Nations-Unies, octobre 2006
50 OMS ISPCAN, op. cit., p 18.
51 ChildONEurope, Guidelines on Data Collection and Monitoring Systems on Child Abuse, ChildONEurope Serie 1, Istituto degli Innocenti, Firenze, 2009
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à l’emploi, nationalité, précédentes allégations d’infraction similaire, antécédents en matière d’abus de drogues et d’alcool.
 Les caractéristiques de la personne s’occupant des enfants, si elle n’est pas l’auteur présumé : Âge, sexe, lien avec l’enfant, antécédents de violence, situation face à l’emploi, situation de famille, niveau d’instruction, nationalité, interaction avec les organismes de services sociaux, précédentes allégations d’infraction similaire, antécédents en matière d’abus de drogues et d’alcool.
 Les caractéristiques du foyer : revenu familial, nombre de personnes vivant dans la maison, description des autres enfants dans le foyer et leur lien avec l’enfant, type de logement, signalements antérieurs de maltraitance, déficiences physiques ou liées au développement, présence de violence dans la famille.
Le retour de ces informations vers les organismes qui les auront collectées, sous forme d’indicateurs synthétiques, leur permettra de mieux connaître leur population et d’avoir une meilleure visibilité sur leurs pratiques.
Un tel recueil contribue à la protection des enfants, car il permet d’identifier les ressources nécessaires pour une prise en charge, la plus adaptée possible, des enfants en danger. C’est donc un outil utile à la fois pour les acteurs de terrain, dont il complète la connaissance des problématiques et de la prise en charge des publics concernés et pour les décideurs, car il fournit des informations utiles à l’évaluation et l’élaboration de programmes et politiques publiques pour ces enfants.
Les indicateurs
Les indicateurs permettent de résumer l’information complexe et multiple recueillie au niveau des fournisseurs de données d’une façon claire. Ils doivent permettent de faire ressortir les grandes tendances et leur évolution dans le temps, d’effectuer des comparaisons par territoires, mais ils doivent aussi être construits de façon à pouvoir identifier les impacts d’une intervention et à en mesurer les effets.
Actuellement, au niveau international, deux approches complémentaires sont encouragées en protection de l’enfance :
- Le calcul d’indicateurs permettant de mieux connaitre la population des enfants maltraités et les actions mises en oeuvre pour cette population ;
- Le calcul d’indicateurs permettant de mesurer le bien-être des enfants.
Ces deux systèmes sont centrés sur l’enfant, qui est l’unité statistique retenue pour la majorité des indicateurs. Ces deux approches sont complémentaires.
Les données présentées plus haut, que l’OMS, l’ISPCAN et ChildONEurope recommandent de recueillir concernent la population des enfants maltraités et en danger. Ces organismes ne
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détaillent pas, dans leurs rapports, une liste des indicateurs qu’ils souhaiteraient voir apparaître. Cependant, ils offrent différentes indications dans le traitement à effectuer sur les données recueillies.
Il est rappelé en premier lieu que ces indicateurs doivent permettre aux organismes fournisseurs de données de mieux connaître leur public et d’avoir une vision, la plus claire possible, de leur mode de fonctionnement. Ils doivent donc constituer un outil fonctionnel à destination de ces services, leur permettant d’adapter le mieux possible leurs services aux besoins de leur public. Pour ce faire, ces indicateurs doivent être présentés sous forme de rapports réguliers, synthétisant l’information.
Ils doivent, d’autre part, permettre de mesurer l’ampleur du problème de la maltraitance des enfants et montrer comment ce niveau de maltraitance s’articule avec des facteurs sociaux, économiques et environnementaux. La mesure de la maltraitance des enfants doit donc se faire en incluant différents facteurs : caractéristiques de l’enfant, de son foyer et des parents ou d’autres personnes s’occupant de l’enfant. Une analyse pertinente de ces informations, à travers les données recueillies, est utile pour convaincre les décideurs du besoin d’agir en faveur de cette population.
En parallèle, on assiste depuis une dizaine d’année à l’émergence d’une recherche d’indicateurs nationaux et internationaux mesurant la qualité de vie des enfants, à travers une approche du bien-être des enfants.
Ces indicateurs peuvent reposer sur des critères objectifs (condition de vie économique, niveau d’éducation, comportements à risque …) et des critères plus subjectifs où c’est la parole de l’enfant qui est recueillie (estime de soi, participation aux prises de décisions, bien-être personnel …)52.
Des travaux présentant des résultats agrégés permettant des comparaisons internationales et le classement des pays en fonctions des résultats obtenus en termes de bien-être des enfants ont ainsi été réalisés53. Nous présenterons dans ce rapport les indicateurs retenus au niveau européen par le centre de recherche Innocenti de l’UNICEF dans son rapport publié en
52 Voir à ce sujet : Kids Count Index de la fondation A. Casey aux Etats-Unis et Brooks A-M, Hanafin S., Measuring Child Well-being : An Inventory of Key Indicators, Domains and Indicators selection Criteria to Support the Development of a National Set of Child Well-Being Indicators, National children’s Office d’Irlande, Dublin, 2005
53Voir à ce sujet :
- Heshmati, A., C. Bajalan et A. Tausch , « Measurement and Analysis of Child Well-Being in Middle and High Income Countries », IZA Document Paper No. 3203, Institute for the Study of Labor, Bonn, décembre 2007.
- Bradshaw, J., P. Hoelscher et D. Richardson, « An Index of Child Well-Being in the European Union », Journal of Social Indicators Research, vol. 80, 2007, pp. 133-177.
- Richardson, D., P. Hoelscher et J. Bradshaw, « Child Well-being in Central and Eastern European Countries (CEE) and the Commonwealth of Independent States (CIS) », Child Indicators Research. vol. 1, 2008, pp. 211-250.
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200754. Cette liste d’indicateurs a été reprise par l’OCDE dans son rapport Assurer le bien-être des enfants55. Les auteurs ont choisi de retenir des mesures sensibles à l’action des pouvoirs publics. Ces indicateurs sont groupés en six dimensions : bien-être matériel, logement et environnement, éducation, santé et sécurité, comportements à risque et qualité de la vie scolaire. Chacune de ces dimensions repose sur les normes internationales énoncées dans la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (UNCCRC, United Nation, 1989).
Les indicateurs retenus, regroupés sous six thématiques, sont les suivants :
 Bien-être matériel : Revenu disponible moyen des familles ayant des enfants de moins de 18 ans, taux de pauvreté relative des enfants de moins de 18 ans, qui correspond à la proportion de familles avec enfants disposant d’un revenu équivalent inférieur de 50 % au revenu familial médian national, proportion d’enfants de 15 ans privés des produits de première nécessité en matière d’éducation qui sont importants pour la réussite scolaire.
 Logement et environnement : Nombre d’enfants vivant dans des conditions de surpeuplement. On considère qu’un logement est surpeuplé lorsque le nombre de personnes qui y vit est supérieur au nombre de pièces (à l’exclusion de la cuisine et de la salle de bains). Cet indicateur permet de mesurer la qualité du logement.
o Nombre d’enfants qui vivent dans un logement bruyant et dans un environnement sale et souillé. Se mesure à l’aide d’indicateurs du niveau de bruit au domicile et dans le voisinage, et d’indicateurs relatifs à l’entretien, l’hygiène, à la pollution ou aux déchets autour du domicile ou dans son voisinage.
 Éducation : Moyenne des résultats obtenus aux tests de lecture, mathématiques et sciences (mesurés pour chaque pays dans le cadre de l’enquête PISA 2006), moyenne sur les trois mesures PISA des acquis du ratio du score au 90e percentile au score au 10e percentile, proportion de jeunes âgés de 15 à 19 ans qui ne sont ni en emploi, ni scolarisés, ni en formation (NEET). Cet indicateur mesure le nombre des jeunes qui, après la scolarité obligatoire, ne trouvent pas d’emploi et ne sont ni en formation ni scolarisés.
 Santé et sécurité : Mortalité infantile, taux de mortalité pour les enfants de un à 19 ans (en distinguant d’une part le toutes causes et d’autre part le suicide), insuffisance
54 « La pauvreté des enfants en perspective : Vue d’ensemble du bien-être des enfants dans les pays riches », Bilan Innocenti 7, Centre de recherche Innocenti de l’UNICEF, Florence, 2007
55 OCDE, Assurer le bien-être des enfants, 2009 www.oecd.org/els/social/bienetreenfants
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pondérale à la naissance, taux d’allaitement maternel, couverture vaccinale nationale contre la coqueluche et la rougeole à l’âge de 2 ans, proportion d’enfants âgés de 11, 13 et 15 ans ayant pratiqué quotidiennement pendant au moins une heure une activité modérée à intense au cours de la semaine précédant l’enquête,.
 Comportements à risque : Jeunes de 15 ans qui fument régulièrement, jeunes de 13 et 15 ans qui indiquent avoir été plus de deux fois en état d’ivresse, taux de fécondité des adolescentes de 15 à 19 ans
 Qualité de la vie scolaire : Conflits dont l’enfant fait l’expérience à l’école, notamment des brimades, satisfaction globale à l’égard de la vie scolaire
Le réseau des observatoires nationaux ChildONEurope mène également une réflexion sur des indicateurs de bien-être des enfants et leur comparaison au niveau européen56.
La France s’intègre dans cette démarche européenne, qui donnera un soutien supplémentaire à cette réflexion au niveau national, car aujourd’hui encore très peu d’indicateurs sont disponibles sur cette thématique.
De façon plus générale il existe actuellement des groupes de réflexion sur la recherche d’indicateurs départementaux et nationaux permettant de mesurer l’efficience des politiques publiques. Nous avons choisi pour le présent rapport d’illustrer cette réflexion en présentant le travail réalisé par le groupe « Indicateurs sociaux départementaux » du Conseil National de l’Information Statistique (CNIS), auquel l’ONED est associé.
Un exemple de travail sur la formulation d’indicateurs en France : le groupe de travail « Indicateurs sociaux départementaux » du CNIS
Le CNIS, dans le prolongement du colloque « Connaître pour agir, quelle information statistique construire et partager au service des politiques de solidarité ? », qui s’est tenu le 23 janvier 2008 à Nantes, a constitué un groupe de travail sur la question des indicateurs sociaux départementaux.
Ce groupe de travail a été mandaté pour l’année 2009 afin de définir des indicateurs sociaux départementaux communs autour des quatre principales politiques de l’action sociale départementale :
- Personnes âgées dépendantes ou en risque de dépendance
56 ChildONEurope, The on-going debate on the assessment of children’s conditions of life. The proceedings of the ChildONEurope Seminar on Child Well-Being Indicators. ChildONEurope Serie 2, Istituto degli Innocenti, Firenze, 2009
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- Enfance et jeunesse en danger ;
- Minima sociaux et insertion ;
- Personnes handicapées.
Pour ce faire, le groupe, présidé par un représentant de l’ADF, était constitué d’une dizaine de départements mais aussi d’institutions de la statistique publique (Insee au niveau national et régional, Drees, ainsi que DGCL), d’organismes gérant des systèmes d’information sociale au niveau national (CNAF, CCMSA, ONED, CNSA) ou régional (DRASS) ainsi qu’un représentant de l’ODAS.
Cette collaboration interinstitutionnelle a débouché sur l’élaboration de 71 indicateurs principaux regroupant un « minimum » d’informations partagées/communes sur lesquelles il est proposé que tous les acteurs concernés s’accordent. Ces indicateurs s’articulent en intégrant à la fois des indicateurs propres à chacune des quatre politiques (une douzaine par politique) et des indicateurs transversaux à ces politiques, significatifs du contexte, de l’environnement (une vingtaine)57.
La plupart de ces indicateurs sont déjà accessibles au niveau national et départemental, d’autres ont été identifiés comme pertinents mais non accessibles aujourd’hui. Certains indicateurs n’ont pas été retenus dans le noyau dur des indicateurs principaux mais ils ont été identifiés comme « complémentaires ». Chaque indicateur principal fait l’objet d’une fiche détaillée faisant apparaître ses caractéristiques ainsi que son intérêt et ses limites.
Enfin, des « données de références » simples ont été également identifiées, utiles pour le calcul des dits indicateurs (données de population par âge par exemple).
Les indicateurs retenus pour le thème enfance et jeunesse en danger sont les suivants :
Caractérisation du territoire :
- Enfants vivant dans une famille sans actif occupé, par type de famille (monoparentale ou couple; en % du nombre d’enfants de la classe d’âge)
- Taux de pauvreté monétaire par âge des jeunes
- Proportion d’enfants et de jeunes vivant dans un quartier défavorisé
- Jeunes sans diplôme
Caractérisation des publics concernés :
Pour cette thématique, ce sont des indicateurs permettant de rendre compte de population repérée ayant besoin d’intervention :
57 CNIS, Rapport du groupe de travail « Indicateurs sociaux départementaux », Décembre 2009 disponible sur : http://www.cnis.fr/doc/rapports/RAP_0086.HTM
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- Déclarations tardives de grossesse, pour 1000 enfants nés ou déclarations de grossesse.
- Naissances prématurées (enfants nés avant 37 semaines d’aménorrhée), pour 1000 certificats du 8ème jour exploités .
- Enfants vus en bilan de santé 3-4 ans nécessitant un suivi santé particulier.
- Enfants faisant l’objet d’une évaluation ou d’un signalement après recueil d’informations préoccupantes, pour 1000 enfants.
- Indicateur complémentaire : Naissances d’enfants de mères mineures.
Indicateurs sur la population touchée, bénéficiaire d’interventions :
- Signalements d’enfants en danger à l’autorité judiciaire.
- Enfants ayant faits l’objet d’une intervention sociale ou médico-sociale suite à recueil d’une information préoccupante
- Enfants bénéficiant d’une mesure éducative (à domicile, en famille d’accueil ou en établissement, hors tiers digne de confiance).
Indicateurs sur l’offre, les réponses apportées :
- Places en équipement de l’aide sociale à l’enfance (accueil en établissement et accueil familial) pour 1000 enfants.
- Mode de prise en charge (mesure éducative à domicile, placement familial, tiers digne de confiance, établissement), en pourcentage du total.
- Placement hors département, en pourcentage des enfants placés en établissement.
- Décisions judiciaires (action éducative et placement), en pourcentage du total des décisions.
- Enfants placés directement par le juge, en pourcentage des décisions judiciaires de placement.
- Mesures éducatives à domicile (Aide Éducative à Domicile - AED, Assistance Éducative en Milieu Ouvert - AEMO) parmi l’ensemble des bénéficiaires de l’aide sociale à l’enfance.
Indicateurs permettant d’apprécier les effets des politiques menées :
- Situation d’emploi et de formation des jeunes majeurs à la sortie définitive de l’ASE (à comparer à la situation de la tranche 18-21 ans).
Les travaux de ce groupe se prolongent en 2010, avec la constitution d’un groupe inter institutionnel de validation des indicateurs sélectionnés. Il a pour fonction d’affiner les définitions et nomenclatures à utiliser, de calculer concrètement les indicateurs dans l’optique d’une généralisation future, de produire localement et nationalement des premières analyses partagées et enfin, sur cette base, valider et éventuellement modifier ou compléter
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la sélection d’indicateurs proposée dans le rapport du groupe de travail « Indicateurs sociaux départementaux ». Au terme de cette année, la faisabilité d’une telle remontée d’indicateurs aura donc été testée.
Ces indicateurs permettront de disposer de solides données de cadrage, mais ils sont à compléter car ils ne permettent pas d’avoir une description fine du secteur de la protection de l’enfance en France. Ce constat du manque d’information dans le domaine est ancien : il a été posé notamment par deux rapports sur le dispositif de protection de l’enfance de l’inspection générale des affaires sociales dès 199558, renouvelé en 2000 et confirmé par un groupe de travail du ministère en 2003. Le rapport de la Cour des comptes sur la protection de l’enfance publié en 200959 vient pointer une nouvelle fois le manque d’information et de données à caractère scientifique sur la protection de l’enfance.
C’est dans ce contexte que l’ONED a été chargé en 2004 du suivi et de l’observation des données en protection de l’enfance. Auparavant, seul l’ODAS avait bâti un système d’observation partagée, à travers l’enquête sur « les signalements d’enfants en danger » réalisée entre 1992 et 2007.60 Depuis 2006 l’ONED présente des résultats se basant sur les données de la DREES, de la PJJ et des tribunaux pour enfants. Si ces résultats permettent d’avoir une vue d’ensemble de la protection de l’enfance, ils ne répondent pas aux besoins d’évaluation des politiques publiques et ils ne contiennent pas les informations nécessaires pour un retour de connaissance utile auprès des acteurs de terrain. Aujourd’hui il incombe donc à l’ONED de mettre en place, en partenariat avec les départements et les représentants de l’Etat, une remontée de données permettant de fournir une information exhaustive, pertinente et fiable nécessaire au calcul d’indicateurs nationaux et départementaux.
Les indicateurs envisagés par l’ONED
Les différentes attentes en matière de connaissance du champ de la protection de l’enfance et la complexité de celui-ci ont conduit à retenir un système d’observation individuelle, longitudinale et anonyme. C’est en effet le seul moyen de recueillir l’ensemble des informations nécessaires au calcul d’indicateurs répondant à la fois aux attentes de l’Etat, des départements et des acteurs de terrain.
La remontée de données telle qu’elle est prévue permettra de disposer de données harmonisées plus fiables. Il sera alors possible de calculer un ensemble d’indicateurs au niveau national, répondant aux attentes de l’Etat en termes d’évaluation des politiques publiques. Déclinés à l’échelon départemental, ces indicateurs seront une aide
58 IGAS-IGSJ Rapport sur le dispositif de protection de l’enfance : Le système d’information et les relations entre les départements et l’institution judiciaire. Rapport n°5/95. Mars 1995
59 La protection de l'enfance, rapport public thématique de la Cour des comptes, octobre 2009
60 Les résultats de ces enquêtes ont été publiés dans la Lettre de l’Odas, disponible sur le site de l’ODAS www.odas.net.
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supplémentaire pour le pilotage local et la coordination des programmes. Par ailleurs, des indicateurs supplémentaires plus spécifiques aux situations locales, pourront être développés par les ODPE. Enfin, ces données, à un niveau d’exploitation plus fin, pourront intéresser les praticiens et chercheurs en protection de l’enfance.
C’est à partir des trois objectifs initialement prévus par le décret que sont ici présentés quelques indicateurs envisagés.
- Contribuer à la connaissance de la population des mineurs en danger
En disposant du nombre d’enfants ayant fait l’objet d’une information préoccupante donnant lieu à une évaluation ou d’un signalement direct, il sera possible de calculer :
 Le taux annuel d’enfants qui font l’objet d’une demande d’évaluation ou d’un signalement direct, au niveau national et départemental,
 La répartition des suites données à ces évaluations,
 Le nombre moyen d’informations préoccupantes suivi d’évaluation par enfant (le calcul de cet indicateur est rendu possible par le suivi longitudinal des enfants).
Il sera possible de décrire la population des enfants en danger selon des variables qui permettront de la comparer à la population générale :
 Variables concernant l’enfant : sexe/âge/situation scolaire/handicap,
 Variables concernant son cadre de vie : lieu de résidence/description du foyer (nombre de personne dans le logement, nombre de frère et soeur),
 Variables concernant ses parents et, le cas échéant, les deux adultes principaux qui s’occupent de lui dans sa résidence principale:
o Exercice de l’autorité parentale,
o Lien des deux adultes avec l’enfant si ce ne sont pas les parents,
o Sexe/ âge/ Catégorie socio-professionnelle/ Emploi/ Diplôme/ Situation de handicap/Perception des minimas sociaux des parents (ou adultes principaux s’occupant de l’enfant dans sa résidence principale).
Cette description de la population se fera distinctement pour :
 Les primo entrants (1ère évaluation),
 Les enfants qui ont déjà fait l’objet d’une évaluation et dont la situation fait de nouveau l’objet d’une évaluation,
 Les enfants bénéficiant d’une mesure de protection de l’enfance au moment de la remontée des données.
De plus, les données collectées se prêtent à des analyses multi-variées, qui permettront à terme de mieux analyser les facteurs associés aux mesures de protection de l’enfance.
- Contribuer à la connaissance de l’activité des cellules départementales et des services de protection de l’enfance
89
Sous cet objectif on retrouve les indicateurs d’activité des cellules, plus centrés sur le recueil de l’information préoccupante et les suites qui lui sont données :
 Nombre et caractéristiques –date, provenance, nature- des informations préoccupantes donnant lieu à une évaluation recueillies par la cellule,
 Provenance de l’information préoccupante ou du signalement (professionnels, institutions, particuliers …),
 Délais médian et moyen pour l’évaluation.
Ces indicateurs pourront être déclinés en fonction de la nature de l’information préoccupante, de l’âge et du sexe de l’enfant.
 Suites données aux évaluations :
o Description des mesures de protection de l’enfance en fonction du sexe, de l’âge, du niveau scolaire.
o Délais de mise en oeuvre et durées des mesures.
o Proportion d’enfants bénéficiant de plusieurs mesures en même temps, parmi l’ensemble des enfants bénéficiant d’au moins une mesure.
 Répartition entre mesures administratives et judiciaires au niveau national et départemental.
- Faciliter l’analyse de la cohérence et de la continuité des actions mises en oeuvre au bénéfice des personnes concernées
Il n’existe actuellement aucune connaissance sur l’enchaînement des différentes mesures de protection et sur les parcours des enfants en protection de l’enfance. L’observation longitudinale permettra de fournir un certain nombre d’éléments d’information. Cette connaissance intéresse à la fois les décideurs, par sa dimension d’évaluation des politiques publiques, et les acteurs locaux par l’analyse de la pertinence des mesures prises, en fonction des profils des enfants et de leurs problématiques. Il sera, dans cette optique, intéressant de calculer les indicateurs suivants :
 Nombre de passage d’une mesure administrative à une décision judiciaire et inversement,
 Enchaînement de différents types de mesures,
 Délai moyen et médian de mise en oeuvre de la décision (date de début d’intervention – date de la décision en protection de l’enfance),
 Durée moyenne et médiane des suivis en protection de l’enfance, selon le type d’intervention.
D’autre part, l’analyse du mode de sortie du système, en fonction du parcours de l’enfant et de ses caractéristiques est un moyen d’évaluer l’efficacité, pour les enfants, des mesures mises en place et constitue donc un outil d’aide à la réflexion en ce qui concerne les axes de travail à privilégier pour améliorer à terme le bien-être des enfants pris en charge.
 Durée moyenne et médiane des placements
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 Nombre de lieux d’accueil dans le parcours de l’enfant en protection de l’enfance
 Rupture de prise en charge puis reprise, qui permettrait d’établir un taux de récurrence dont les modalités sont encore à définir
 Proportion d’enfants protégés dont le dossier est clôturé en raison de la disparition de la situation de danger, et celle des mineurs qui restent sous protection jusqu’à leur majorité. Cet indicateur pourra se décliner en fonction des parcours en protection de l’enfance, des mesures qui ont été prises, de la durée des placements …
Ces indicateurs pourront être déclinés selon quelques variables sociodémographiques, notamment le sexe et l’âge des enfants. Des analyses multi variées permettront, à terme, de mieux cerner les facteurs associés aux différences de parcours en protection de l’enfance et d’établir des « profils » de parcours.
Il nous semble toutefois utile de rappeler ici la limite de ces données, recueillies par les cellules : celles-ci ne couvrent pas l’étendue du problème des enfants maltraités et/ou en danger61 qui devraient être complétées par des enquêtes ponctuelles plus qualitatives.
La mise en oeuvre de cette remontée de données prendra un certain temps. Cette démarche, dans ses évolutions futures, devra permettre à la fois de constater et quantifier les processus et actions mises en oeuvre mais aussi de savoir dans quelles mesures les différents acteurs les perçoivent et les utilisent.
61 Voir à ce propos la note 1 de l’ONED Une estimation du « chiffre noir » de l’enfance en danger par le biais des enquêtes de victimation. Emmanuelle Guyavarch http://oned.gouv.fr/docs/production-interne/publi/note08_1chiffrenoir.pdf
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ChildONEurope, The on-going debate on the assessment of children’s conditions of life. The proceedings of the ChildONEurope Seminar on Child Well-Being Indicators. ChildONEurope Serie 2, Istituto degli Innocenti, Firenze, 2009
CNIS, Rapport du groupe de travail « Indicateurs sociaux départementaux », Décembre 2009, disponible sur : http://www.cnis.fr/doc/rapports/RAP_0086.HTM
Cour des comptes, 2009, Rapport public thématique, La protection de l'enfance,
Fondation A. Casey aux Etats-Unis et Brooks A-M, Hanafin S., Kids Count Index, Measuring Child Well-being : An Inventory of Key Indicators, Domains and Indicators selection Criteria to Support the Development of a National Set of Child Well-Being Indicators, National children’s Office d’Irlande, Dublin, 2005
94
Heshmati, A., C. Bajalan et A. Tausch , « Measurement and Analysis of Child Well-Being in Middle and High Income Countries », IZA Document Paper No. 3203, Institute for the Study of Labor, Bonn, décembre 2007.
IGAS-IGSJ Rapport sur le dispositif de protection de l’enfance : Le système d’information et les relations entre les départements et l’institution judiciaire. Rapport n°5/95. Mars 1995
Lettre de l’Odas, www.odas.net.
OCDE, Assurer le bien-être des enfants, 2009 www.oecd.org/els/social/bienetreenfants
OMS, ISPCAN, Guide sur la prévention de la maltraitance des enfants : intervenir et produire des données.
OMS, Genève, 2006
ONED – note n°1- Une estimation du « chiffre noir » de l’enfance en danger par le biais des enquêtes de victimation. Emmanuelle Guyavarch http://oned.gouv.fr/docs/production-interne/publi/note08_1chiffrenoir.pdf
Rapport de l’expert indépendant chargé de l’étude des Nations Unies sur la violence à l’encontre des enfants. New York, NY, Nations-Unies, octobre 2006
Richardson, D., P. Hoelscher et J. Bradshaw, « Child Well-being in Central and Eastern European Countries (CEE) and the Commonwealth of Independent States (CIS) », Child Indicators Research. vol. 1, 2008, pp. 211-250.
95
Glossaire
Sigle
Définition
ADF
Assemblée des départements de France
AED
Aide éducative à domicile
AEMO
Action éducative en milieu ouvert
AEP
Action éducative préventive (ou précoce)
AFCC
Association française des centres conjugaux
ASE
Aide sociale à l'enfance
CAD
Commission d'aide à la décision
CAE
Commission d'aide à l'évaluation
CAF
Caisse d’allocations familiales
CASF
Code de l'action sociale et des familles
CATTP
Centre d’accueil thérapeutique à temps partiel
CC
Code civil
CCAS
Centre communal d'action sociale
CDDF
Conseil pour les droits et devoirs des familles
CERC
Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale
CIDE
Convention internationale des droits de l’enfant
CIPD
Comité interministériel de prévention de la délinquance
CLSPD
Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance
CMP
Centre médico-psychologique
CMPP
Centre médico-psycho-pédagogique
CMU
Couverture médicale universelle
CNAF
Caisse nationale des allocations familiales
CNIL
Commission nationale informatique et liberté
CPE
Conseiller principal d'éducation
CRAT
Compte-rendu d'appel téléphonique
DACG
Direction des affaires criminelles et des grâces
DAP
Délégation d'autorité parentale
DDASS
Direction départementale des affaires sanitaires et sociales
DEP
Direction de l’évaluation et de la prospective
DESCO
Direction de l'enseignement scolaire
DGAS
Direction générale de l'action sociale
DGS
Direction générale de la santé
DH
Direction des Hôpitaux (remplacée par la DHOS, D 2000-685 du 21 juillet 2000)
DHOS
Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins
DPJJ
Direction de la protection judiciaire de la jeunesse
DRASS
Direction régionale des affaires sanitaires et sociales
DREES
Direction de la Recherche, des Études, de l'Évaluation et des Statistiques
ENSP
Ecole nationale de la santé publique
FENAMEF
Fédération nationale de la médiation familiale
FINESS
Fichier national des établissements sanitaires et sociaux
FNORS
Fédération nationale des observatoires régionaux de santé
GAME
Gestion de l'activité et des mesures éducatives
GEMME
Groupement européen des magistrats de la médiation
GPIEM
Groupe permanent interministériel de l'enfance maltraitée
HCSP
Haut comité de la santé publique
96
IA
Inspecteur d'académie
IEN
Inspecteur de l'éducation nationale
IGAS
IGAS
Inspection générale des affaires sociales
IGEN
Inspection générale de l'Education nationale
INED
Institut national d'études démographiques
INSEE
Institut national de la statistique et des études économiques
IOE
Mesure d'investigation et d'orientation éducative
IUFM
Institut universitaire de formation des maîtres
JAF
Juge aux affaires familiales
JE
Juge des enfants
MECS
Maison d'enfants à caractère social
MGEN
Mutuelle générale de l'Education Nationale
MIVILUDES
Mission de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires
ODAS
Observatoire national de l'action sociale décentralisée
ODPE
Observatoire départemental de la protection de l'enfance
OMS
Organisation mondiale de la santé
ONED
Observatoire national de l'enfance en danger
OPJ
Officier de police judiciaire
OPP
Ordonnance de placement provisoire
ORS
Observatoire régional pour la santé
PJJ
Protection judiciaire de la jeunesse
PJM
Protection jeunes majeurs
PMI
Protection maternelle et infantile
REAAP
Réseau d'écoute, d'appui, et d'accompagnement des parents
RMI
Revenu minimum d'insertion
RRSE
Recueil de renseignements socio-éducatifs
SDFE
Service du droit des femmes et de l'égalité
SISAE
Service d'interventions spécialisées d'action éducative
SNATED
Service national d'accueil téléphonique pour l'enfance en danger
SOLED
Système d'observation longitudinal des enfants en danger
TISF
Technicien de l'intervention sociale et familiale
TPSE
Tutelle aux prestations sociales enfants
UDAF
Union départementale des associations familiales
UNAF
Union nationale des associations familiales
UTAS
Unités territoriales d'action sociale
97
Annexes
1. Etat des lieux – analyse de l’enquête 2009 sur les cellules
L’«Enquête auprès des Conseils Généraux sur la mise en oeuvre des cellules de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes » réalisée en 2008 a été en partie réactualisée à l’automne 2009 afin de mettre à jour les données sur les cellules départementales. Cette enquête lancée en octobre 2009 portait, sur la mise en place des CRIP, l’existence ou non de protocoles en conformité avec la loi du 5 mars 2007, ainsi que sur la mise en place des observatoires départementaux de la protection de l’enfance.
Le questionnaire a été renseigné par 96 départements avant la « Journée technique sur la Protection de l’Enfance » organisée le 2 décembre 2009 par la DGAS, la DPJJ et l’ADF.
Nous présentons ici les évolutions observées entre la situation lors de l’enquête de juin 2008 et la situation arrêtée au 31/12/2009.
1/ Existence et composition d’une cellule de recueil des informations préoccupantes
A la question sur l’existence d’une cellule de recueil des informations préoccupantes, on observe que 91 départements disposent d’une cellule, au 31/12/2009, contre seulement 68 dix-huit mois plus tôt.
98
Tableau 1 – Existence d’une cellule de recueil des informations préoccupantes au travers des enquêtes menées en 2008 et 2009. Enquête 200862 Enquête 2009 Oui, créé avant la loi du 5 mars 2007 - dont modifiés pour s’adapter à la loi 54% 23% 54 % 29 % Oui, créé depuis la loi du 5 mars 2007 14 % 37 % Non, - dont forme actée - dont réflexion en cours sur une ou plusieurs hypothèses 32 % 14 % 18 % 9 % - 9 % Total 100 100
62 A la question « A l'heure actuelle, dans votre département, existe-t-il un dispositif de centralisation du recueil des informations préoccupantes ? » de l’enquête de 2008, il y avait les cinq modalités de réponses présentes dans le tableau 1 tandis que l’enquête 2009 pose la question « A l'heure actuelle, dans votre département, existe-t-il une cellule de recueil des informations préoccupantes ? » à laquelle les modalités de réponses étaient « oui » ou « non ». La question sur la date de mise en place de cette cellule permet, dans l’enquête 2009, d’apporter les précisons nécessaires permettant une comparaison avec l’enquête précédente.
99
Carte 1 : Création d’un dispositif de centralisation de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes
Légende
Source : Enquête cellules, Oned, 2009
Ile-de-France
Outre mer
Guadeloupe
Martinique
Réunion
Guyane
Créé avant la loi
Créé depuis le vote de la loi
… dont modifié depuis pour s’y adapter
Réflexion en cours
Ouverture d’une cellule en janvier 2010
100
En 2008, on a pu observer que plus de la moitié des départements (54) disposait déjà d’une cellule avant la loi du 5 mars 2007 et que 14 départements en ont créées au moment de l’enquête. Depuis, ce sont donc 23 nouveaux départements qui ont mis en place leur cellule, auxquels s’ajoutent deux nouveaux départements qui, au moment de l’enquête 2009, avaient programmé l’installation de leurs cellules en janvier 2010.
Par ailleurs, entre les deux enquêtes, 6 départements qui disposaient d’un dispositif de centralisation des informations préoccupantes avant la loi de 2007, se sont restructurés afin de s’adapter à la loi. De plus, au moment de l’enquête 2009, un autre département a signalé qu’une nouvelle cellule remplacerait début 2010 celle qui préexistait à la loi.
Composition des cellules
Les cellules comptent en moyenne 4,7 personnes dédiées soit 3,9 équivalent temps plein, ce qui représente une hausse de 0,3 personne (en personnes dédiées et en équivalent temps plein) par rapport à l’enquête précédente. Il faut noter que, sur les 89 départements ayant répondu à la question sur les effectifs alloués aux cellules, sept sont des départements qui n’avaient pas de cellule au 31/12/2009, mais la création de celles-ci étant prévues, les effectifs de personnels dédiés à ces futures cellules étaient déjà connus.
Les fortes disparités départementales observées dans l’enquête 2008, où le nombre de personnes par cellule variait de 1 à 12 se poursuivent en 2009 avec une amplitude allant de 2 personnes à 14. Les 5 départements qui déclaraient avoir une seule personne allouée à la cellule, en 2009 se sont étoffés et comptent désormais entre 2 et 5 personnes. Le nombre de postes en équivalent temps plein, lui, varie de 0,5 à 14.
101
Tableau 2 – Nombre de personnes dans les cellules au 31/12/2009
Nombre de personnes par cellule
Nombre de départements
Pourcentages valides
Pourcentages cumulés
1
0
0,0%
0,0%
2
16
18,0%
18,0%
3
22
24,7%
42,7%
4
17
19,1%
61,8%
5
7
7,9%
69,7%
6
11
12,4%
82,0%
7
3
3,4%
85,4%
8
5
5,6%
91,0%
9
2
2,2%
93,3%
10
2
2,2%
95,5%
11
1
1,1%
96,6%
12
1
1,1%
97,8%
13
0
0,0%
97,8%
14
2
2,2%
100,0%
Total des réponses
89
La composition des cellules n’a pas évoluée de façon significative entre les deux enquêtes. Ainsi, la forte majorité des cellules (87 sur 93) compte au moins un cadre ou un inspecteur de l’enfance. Puis ce sont les agents administratifs qui sont les professionnels les plus présents dans les cellules, y compris les plus petites. En effet, parmi les 16 cellules comptant uniquement 2 postes, on en dénombre 14 où au moins un de ces deux postes est occupé par un agent administratif qui est chargé du travail de secrétariat, de l’accueil téléphonique, de la saisie, etc.
Viennent ensuite les travailleurs sociaux présents dans près de la moitié des départements. Les médecins de PMI sont moins nombreux en 2009, il faut relativiser cette diminution par le fait que dans nombre de départements des médecins référents sont à disposition en cas de besoin. Les psychologues restent peu nombreux (14). Des professionnels représentant les
102
partenaires institutionnels sont exceptionnellement, intégrés aux cellules (PJJ dans cinq départements, l’éducation nationale n’ayant été citée qu’une seule fois). Ces instances restent très probablement partenaires de la cellule par le biais de protocoles mais n’y sont pas pleinement intégrées à travers la mise à disposition de personnels.
Tableau 3 : Qualité des professionnels des cellules
2008
2009
Nombre de département
N=96
%
Nombre de département
N=94
%
Cadre
84
88%
88
95%
Agent administratif
78
81%
83
89%
Travailleur social
44
46%
47
51%
Médecin
23
24%
17
18%
Psychologue
12
13%
14
15%
Un représentant PJJ
5
5%
5
5%
Autre professionnel
4
4%
4
4%
Existence d’un ou plusieurs protocoles sur le recueil des informations préoccupantes en conformité avec la loi du 5 mars 2007
Au 31/12/2009, 76 protocoles (en conformité avec la loi du 5 mars 2007) ont été signés ou finalisés avec la Justice et les autres partenaires institutionnels, parmi lesquels 58 ont en effet été signés. L’enquête 2009 révèle une accélération des signatures de protocoles depuis juin 2009 : 23 signatures entre juin et décembre 2009, deux autres devant être signés en janvier 2010. Pour rappel, au moment de l’enquête 2008, seulement 22 départements avaient signé leur protocole sur le traitement des informations préoccupantes.
Par ailleurs, au 31/12/2009, 18 protocoles finalisés étaient en attente de signature (contre 19 au moment de l’enquête 2008), 16 protocoles étaient en négociation ou en cours de rédaction avec les partenaires (contre 31 en 2008). Enfin, le protocole était encore au stade de projet au moins pour 8 départements au 31/12/2009, contre 28 au moment de l’enquête 2008.
103
Tableau 4 : Existence de protocole63 en conformité avec la loi du 5 mars 2007 selon la date de création des cellules
Protocoles signés
Protocoles finalisés
Protocoles en négociation ou en cours de rédaction
En projet
Total
Cellules créées avant la loi sans modification
11
4
6
4
25
Cellules créées avant la loi modifiées depuis
21
5
2
1
29
Cellules créées depuis la loi
23
6
6
2
37
Ouverture de cellule en janvier 2010
1
1
0
0
2
Pas de cellule
2
2
2
1
7
Ensemble
58
18
16
8
100
2/ Mise en place des observatoires départementaux de la protection de l’enfance
L’enquête menée auprès des Conseils généraux en 2009 permet d’apprécier la mise en place des observatoires départementaux de la protection de l’enfance. Ainsi, au 31/12/2009, 33 observatoires consacrés à la protection de l’enfance sont en place tandis que 3 départements consacrent leur observatoire à l’ensemble des missions du Conseil général sans avoir le projet immédiat d’installer un ODPE. Parmi les départements ayant déclaré disposer d’un ODPE, deux déclarent avoir aussi un autre observatoire sur les autres politiques du département.
Par ailleurs, 21 départements ont déclarés que l’ODPE était en construction, 37 autres qu’il était en projet et, en réflexion dans les autres. L’état d’avancement des ODPE en projet ou en construction n’est pas le même selon les Conseils généraux. Ainsi, parmi ceux-ci, 5 départements déclarent disposer d’un observatoire plus large couvrant d’autres missions du Conseil général. Enfin, d’autres lient sa mise en place à un manque de moyens budgétaires.
63 Les informations sur les protocoles ont été renseignées pour 96 départements au moment de l’enquête. Toutefois, au travers de nos différents contacts, nous avons pu recueillir les informations manquantes afin de disposer d’une vue d’ensemble de la mise en conformité avec la loi du 5 mars 2007.
104
La mise en place généralisée des ODPE étant embryonnaire, leur composition n’en est que le reflet puisque seulement 2,1 personnes sont dédiées à ces observatoires (correspondant à 1,6 équivalent temps plein). Cette moyenne comprend les départements dont l’ODPE est en construction ou en projet. Parmi les départements disposant d’un ODPE, 9 ne peuvent indiquer les personnels affectés puisque la loi laissant aux départements la liberté de se doter ou non d’une instance permanente. Ainsi, les personnels sont parfois conjointement affectés aux cellules et ODPE et dans certains cas il n’y a pas de personnel affecté mais l’existence de l’observatoire se manifeste par des réunions périodiques des différents partenaires.
105
2. Méthodologie pour l’estimation annuelle du nombre d’enfants pris en charge au 31 décembre.
Nombre d'enfants placés en protection de l'enfance le 31/12/2007
0-18 ans 18-21 ans Total Total (%)
Enfants confiés à l'ASE*
108 639
17 250
125 889 85%
dont mesure administrative*
14 755
17 250
32 005 22%
dont mesure judiciaire*
93 884
0
93 884 63%
Placements directs par le juge des enfants*
20 962
0
20 962 14% Total des enfants accueillis à l'ASE* 129 601 17 250 146 851 99%
Enfants placés en secteur public PJJ (art.375)**
355
0
355 0%
Protection jeunes majeurs secteur public**
0
208
208 0%
Protection jeunes majeurs secteur habilité**
0
1 087
1 087 1% Total des placements en protection de l'enfance 129 956 18 545 148 501 100% Total des enfants placés en protection de l'enfance (%) 88% 12% 100%
* Drees, enquête sur les bénéficiaires de l'ASE
** DPJJ, données issues du logiciel GAME
106
Nombre d'enfants ayant une mesure ouverte en protection de l'enfance le 31/12/2007
0-18 ans 18-21 ans Total Total (%)
Aides éducatives à domicile (AED)*
37 764
2 663
40 427 26%
AEMO financées par l'ASE
105 139
0
105 139 68%
AEMO financées par la PJJ - secteur public
7 253
618
7 871 5%
AEMO financées par la PJJ - secteur habilité
0
963
963 1% Total des mesures en milieu ouvert 150 156 4 244 154 400 100% Total des mesures en milieu ouvert (%) 97% 3% 100%
* La distinction entre mineurs et jeunes majeurs pour les AED a été estimée par la Drees à partir des départements ayant répondu à cette question
Estimation du taux de doubles mesures (placement physique et milieu ouvert) en assistance
éducative le 31/12/2007
Nom de la mesure
France entière au 31/12/2007
Sources des données
Placements mineurs Art. 375 c.c.
Mesures confiées par le JE à l'ASE
93 884
DREES
Placements directs secteur associatif
20 962
DREES
Placements directs secteur public
355
DPJJ Total des placements mineurs Art. 375 c.c. 115 201
AEMO Art. 375 c.c.
AEMO financées par l'ASE
105 139
DREES
AEMO financées par la PJJ
7 253
DPJJ Total des AEMO Art. 375 c.c. 112 392 Total des mesures (placements + AEMO) 227 593
Nombre de mineurs en assistance éducative (Art. 375 c.c.)
215 364
Tableaux de bord des tribunaux pour enfants
D'après les tableaux de bord des tribunaux, 215 364 mineurs sont pris en charge en assistance éducative. Ceci nous permet d’estimer que le taux de doubles mesures entre placement physique et mesure en milieu ouvert est de 5,4 % en assistance éducative ([1-(215364/227593)]*100). Ce taux de
107
double comptage est appliqué à l’ensemble des mesures administratives et judiciaires, quel que soit l’âge de l’enfant. Ainsi, le nombre total de mesures s’élevant à 280 112 (129 956 + 150 156), le nombre d’enfants s’élève à 265 061 ([280 112 – (280 112 * 0,05373)]).
108
Table des Matières
Préface de la Présidente ........................................................................................................... 3
Introduction .............................................................................................................................. 5
Chapitre I : De la prise en compte, en protection de l’enfance, de l’enfant et de son parcours .................................................................................................................................... 7
1. Les protocoles ............................................................................................................... 8
1.1 Etude des protocoles ................................................................................................. 10
1.2 Le cadre institutionnel permettant la cohérence d’intervention ............................... 16
1.3 La subsidiarité de l’intervention judiciaire ............................................................... 20
1.4 Le partenariat institutionnel ...................................................................................... 26
1.5 La cohérence des interventions ................................................................................ 28
1.6 Les relations entre les professionnels partenaires .............................................. 32
1.7 La cohérence du parcours du sujet ........................................................................... 35
2. Continuité du parcours et projet pour l’enfant ........................................................... 39
2.1 Les enjeux de la continuité ....................................................................................... 40
2.2. Le projet pour l’enfant, un nouvel outil pour le parcours ? ..................................... 45
3. Accompagner les jeunes en fin de mesure de protection ........................................... 53
3.1 La continuité du parcours à l’âge adulte ............................................................ 54
3.2 La cohérence ou l’articulation entre droit commun et droit spécifique ............. 56
3.3 La recherche de sens ou rendre le jeune acteur de son parcours ........................ 57
Chapitre II : Connaissance chiffrée de l’enfance en danger .............................................. 62
1. Estimation des prises en charge au 31 décembre 2007 .............................................. 62
1.1 Effectifs de mineurs et de jeunes majeurs bénéficiant d’une mesure en protection de l’enfance ................................................................................................... 62
1.2 La répartition des mesures selon la décision ...................................................... 66
1.3 L’évolution récente des prises en charge ........................................................... 73
2. La transmission des données individuelles et anonymisées ...................................... 77
2.1 La mise en oeuvre du processus de transmission des données individuelles et anonymisées ................................................................................................................... 77
2.2. Des indicateurs fondés sur l’étude des parcours ............................................... 79
Bibliographie ........................................................................................................................... 91
Glossaire ................................................................................................................................. 95
Annexes ................................................................................................................................... 97
109
63 bis, bd Bessières - 75017 Paris - Tél : 01 58 14 22 50 - Fax : 01 45 41 38 01
L'Observatoire National de l'Enfance en Danger
La loi n° 2004-1 du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance porte création de l'Observatoire National de l'Enfance en Danger au sein du GIP Enfance en Danger. Cette création répond à l'objectif de «mieux connaître le champ de l'enfance en danger pour mieux prévenir et mieux traiter».
Dans le cadre des missions du GIPED de contribuer à une meilleure coordination entre l’Etat, les départements et les associations oeuvrant dans le champ de la protection de l’enfance, l’ONED se voit confier de :
- Développer et diffuser les connaissances en protection de l’enfance, connaissance chiffrée de l’enfance en danger et connaissance relative aux processus de mises en danger et de protection des enfants développée à travers des études et des recherches ;
- Recenser, analyser et diffuser les pratiques de prévention, de dépistage, de prise en charge médico-sociales et judiciaires ;
- Soutenir les acteurs de la protection de l’enfance à travers la mise à disposition de ressources pour différents organismes partenaires ;
- Participer au réseau des observatoires européens.
L’ONED présente, chaque année un rapport au Gouvernement et au Parlement.
www.oned.gouv.fr

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