jeudi 8 juillet 2010

L'inefficacité des politiques de « responsabilisation parentale »

Suspension des allocations familiales : le gouvernement en appelle à la loi
L'inefficacité des politiques de « responsabilisation parentale »
Article paru dans l'édition du 01.04.10
ÉES dans les années 1980, les politiques de « responsabilisation parentale » mises en place aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en France sont fondées sur une idée simple : la famille étant le premier lieu de socialisation de l'enfant, les défaillances parentales doivent être sanctionnées afin de mettre la société à l'abri du désordre. « Avec ces programmes, l'Etat cherche à faire des familles des coproducteurs de la sécurité », résumaient, en 2008, Marine Boisson et Laetitia Delannoy, chargées de mission au Centre d'analyse stratégique (CAE).

Dans ce domaine, les Américains font figure de pionniers : la réforme du code pénal californien de 1988, qui impose aux parents un devoir de « supervision, de protection et de contrôle » de leurs enfants, a ouvert la voie à des politiques répressives de responsabilisation parentale. Dans beaucoup d'Etats, les manquements aux devoirs parentaux - et notamment le non-respect de l'obligation scolaire - sont devenus des infractions sanctionnées par de lourdes amendes, voire des peines d'emprisonnement.

Punition

Cette politique a été reprise à la fin des années 1990 par l'Angleterre et le Pays de Galles. En cas d'absentéisme scolaire ou de comportement antisocial - « anti-social behaviour » -, la justice peut imposer aux parents des obligations telles qu'accompagner l'enfant à l'école tous les jours, lui interdire de sortir en dehors de certaines heures ou suivre un stage destiné à renforcer leurs « compétences parentales ». S'ils ne respectent pas cette ordonnance, les parents peuvent se voir infliger des amendes allant jusqu'à 1 000 livres (1 122 euros).

De l'aveu même de leurs promoteurs, ces politiques semblent dénuées d'efficacité. « En Angleterre, les ordonnances n'auront probablement pas d'impact sur le comportement des enfants à long terme, reconnaissait Tony Munton, le directeur du département de la justice criminelle anglais, lors d'un colloque organisé en 2008 par le CAE. Les parents que l'on a obligés à entrer dans ce système le vivent comme une punition. Or ils ont plutôt besoin d'aide. » Aux Etats-Unis, l'Office fédéral de la justice des mineurs a, lui aussi, émis des réserves sur ces mesures qui ont, avant tout, une portée symbolique.

En France, où le contrat de responsabilité parentale a été introduit en 2006, beaucoup de spécialistes de l'enfance restent plus que sceptiques. « Il s'agit d'une politique superficielle, explique le président du tribunal pour enfants de Bobigny, Jean-Pierre Rosenzweig. Si l'on veut lutter contre l'absentéisme scolaire, il ne suffit pas d'obliger les parents à déposer leur enfant devant le collège. Il faut que l'enfant se sente soutenu, que ses parents suivent sa scolarité, que la famille tout entière donne du sens à l'école. C'est une démarche qui exige un vrai travail social, et donc du temps. »

Pour beaucoup de leurs détracteurs, ces politiques de responsabilisation parentale ont en outre le tort de fragiliser des familles qui sont déjà confrontées à de grandes difficultés. « Les enfants visés ont souvent des parents qui souffrent du chômage, des horaires atypiques ou de la monoparentalité, explique le président de l'Association des départements de France, Claudy Lebreton. Beaucoup de ces familles survivent grâce aux allocations. Comment espérer une réaction salutaire alors qu'en leur supprimant ces aides, on augmente leur précarité ? »

Anne Chemin

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