jeudi 8 juillet 2010

Délinquance : des vigiles assisteraient les éducateurs

Délinquance : des vigiles assisteraient les éducateurs
LE MONDE | 07.06.10 | 14h45 • Mis à jour le 07.06.10 | 14h45

ès septembre, les éducateurs du centre de placement immédiat (CPI) de Pantin (Seine-Saint-Denis) recevront un renfort qu'ils estiment mal venu : celui d'un vigile.

Arguant, sans avancer de chiffres officiels, que les équipes éducatives peinent à contenir la violence au sein des foyers pour mineurs délinquants, la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) a lancé un appel d'offres auprès de sociétés de surveillance afin de tenter, pour un an, cette expérience inspirée du modèle espagnol.

Structures de la protection judiciaire de la jeunesse, les CPI accueillent, sur décision judiciaire, de dix à douze mineurs délinquants âgés de 13 à 18 ans pendant un à trois mois. Ils permettent d'évaluer leur situation personnelle, familiale ou scolaire afin de proposer une orientation au magistrat. En septembre, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, les mineurs placés au CPI de Pantin seront donc encadrés par un vigile en plus des 14 éducateurs habituels. Cet "agent de surveillance", comme préfère le nommer la PJJ, aura vue sur le foyer et disposera d'écrans de surveillance. "Cela permettra une intervention rapide, explique Jean-Marc Fayolle, directeur de la PPJ Ile-de-France, mais elle n'aura lieu qu'à la demande des éducateurs."

Les principaux syndicats d'éducateurs - le SNPES-PJJ-FSU et le SPJJ-UNSA - considèrent ce projet pilote comme une nouvelle atteinte à leurs missions éducatives au profit d'une orientation sécuritaire. L'administration centrale de la PJJ assure au contraire qu'il ne donnera lieu à aucun mélange des genres et qu'elle soignera le recrutement. "Nous recherchons la présence discrète d'un personnel spécialisé dans la protection et la sécurité des biens et des personnes, explique M. Fayolle. Les agents de surveillance auront un profil nouveau qui supposera des qualités humaines autant qu'une capacité à contenir la violence. Nous ne leur demanderons pas d'avoir un discours éducatif, mais nous les soumettrons à une formation maison pour leur faire connaître les foyers par le biais d'actions collectives avant qu'ils ne prennent leurs fonctions."

Selon les syndicats, la présence d'un agent de surveillance ne contribuera qu'à exacerber les tensions. Ils craignent que l'expérience soit généralisée à tous les foyers et qu'elle débouche même sur un système identique à celui des établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM), où les éducateurs de la PJJ travaillent en tandem avec des surveillants de l'Administration pénitentiaire.

"La présence d'agents de surveillance va nourrir un fantasme et générer de la violence, prédit Jean-Paul Ravaux, du SNPES-PJJ Ile-de-France. Elle sera vécue comme une provocation par des jeunes déjà difficiles et fragilisés. Notre métier, qui consiste aussi à gérer le conflit par la parole, est remis en cause. Il faut laisser à ces jeunes un sas, leur permettre de travailler sur l'autodiscipline plutôt qu'exercer la coercition 24 heures sur 24." Pour Régis Lemierre de l'UNSA-SPJJ, une véritable analyse de l'état des foyers est indispensable. "Existe-t-il de véritables problèmes de sécurité en leur sein,interroge-t-il, ou sont-ils le fait d'un manque de stabilité des équipes et des directeurs ?"


Patricia Jolly
Article paru dans l'édition du 08.06.10

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